dimanche 13 mai 2018

''Natsume Sôseki avertit le Japon au sujet de la victoire à la Guerre russo-japonaise'' (Le calendrier Sôseki)


 Il y aura cent cinq ans aujourd’hui, le 11 mai 1911, Sôseki s’est habillé à l’occidentale et s’est coiffé d’un chapeau d’été. Il est allé voir l’Exposition industrielle de Tokyo au parc d'Ueno.
 Pour le gouvernement de l’époque, cette exposition devait être aussi grandiose que celles de Londres et de Paris, et tout le voisinage d’Aoyama à Yoyogi y serait consacré. Toutefois, les moyens financiers manquaient. L’exposition a finalement eu lieu au parc d’Ueno, mais en beaucoup plus petit.

 En effet, le gouvernement japonais manquait d’argent. En 1905, victorieux de la Russie, le Japon semblait avoir pris place au rang des grandes puissances. En réalité, la Russie avait été vaincue de justesse. On dit également que 78 pourcent des frais de guerre, soit environ deux milliards de yens venaient d’un emprunt étranger. Huit cent vingt millions de cette somme étaient le fruit des efforts de Korekiyo Takahashi qui avait fait appel à l’emprunt étranger en Europe. Cependant, le Japon n’a pas pu obtenir de réparations de guerre de la Russie. Korekiyo a été contraint de faire de nouveau appel de l’emprunt étranger pour un montant de quatre cent cinquante millions de yens afin de relever l’économie japonaise après la guerre.

 Ignorant de cette situation, le peuple japonais délirait de joie. Inquiet pour l’avenir du Japon, Sôseki a lancé un avertissement.
« On entend partout des propres orgueilleux selon lesquels le pays fait désormais partie des puissances. Je suis sans voix devant leur optimisme » (‘’L’Ouverture du Japon moderne’’)
« Le Japon est un pays qui ne peut pas se relever sans emprunter à l’Occident. Malgré cela, il croit faire partie des pays développés. (…) seule une analyse superficielle peut conduire à cette conclusion. Et c’est d’autant plus regrettable que le pays peut continuer à prétendre l’être » (‘’Et puis’’)

 Au début du roman « Sanshirô », Sanshirô au cours de voyage à Tokyo en train de la ligne Tôkaidô dit à un gentleman d’un ton défensif : « Désormais le Japon se développera progressivement », et ce dernier lui répond sèchement : « Il s’effondrera ». Sôseki est sévère dans sa critique de la société, mais il s'agit aussi d'un avertissement.
 Par la suite, ‘’Le Japon impérial’’, dans son immense orgueil, devait se jeter dans une guerre à laquelle il ne survivrait pas. Trente ans ne s’étaient pas écoulés depuis la mort de Sôseki.

 Or, il y avait un lien profond entre Sôseki et l’exposition.
Sôseki avait utilisé l’exposition industrielle de Tokyo de 1907 dans son roman « Le Coquelicot ». Même avant cela, Sôseki avait visité l’Exposition universelle de Paris en 1900 pendant ses études en Angleterre. L’envergure de cette exposition lui en avait imposé (« Dans un décor de cette envergure, je ne sais même plus quelle direction prendre »), mais il était monté à la Tour Eiffel. Il en parle dans une lettre à son épouse Kyôko.
« Je suis monté à la célèbre ‘’Tour Eiffel’’ d’où je dominais tout . »
 On peut facilement imaginer Sôseki qui bombe la poitrine, l’air fier, en écrivant à sa femme.

 À l’Exposition industrielle de 1911, la publicité du phonographe que le magasin d’importation Sankôdô diffusait incessamment a fait une forte impression à Sôseki. Que cette exposition est sans envergure par rapport à celle de Paris !

 On vendait des plantes derrière le champ d’exposition. Sôseki les a vues aussi. Il y avait un pot d’orchidées rouge-pourpre. Il coûtait trois yen cinquante sen. Sôseki a tendu le bras pour le prendre, mais il s’est retenu car il a pensé que ce serait encombrant. Lorsqu’il est revenu à l’arrêt ‘’Edogawa’’ en tram, il se sentait un peu fatigué. Il a appelé un pousse-pousse dans la rue et il est rentré chez lui.

 C'était aussi le jour de la ‘’Réunion du jeudi’’ où ses acolytes se réunissaient chez lui.
 Dans la soirée, le spécialiste de littérature japonaise, Secchô Sakamoto est arrivé le premier. Comme il a dit qu’il avait faim, Sôseki a fait venir un bol d’anguilles pour lui. Ses acolytes étaient souvent exigeants ou sans gêne, mais Sôseki les écoutait comme si c’était normal. Le grand appétit des jeunes était même un agréable spectacle pour Sôseki qui souffrait de l'estomac.
 Plus tard, Toyotaka Komiya, Toyoichirô Nogami et Miekichi Suzuki sont arrivés. Ils ont discuté agréablement jusqu’à onze heures. Ce soir-là, Sôseki a-t-il eu l’occasion de leur parler de l’Exposition de Paris ?

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