mardi 8 mai 2018

Le mammouth qui marche dans l'air






  
 Aujourd’hui, j’ai passé le partiel sur l’animation japonaise. Les étudiants ont composé chez eux (ou dans un endroit où il y avait l’accès à Internet) parce que l’université risquait d’être bloquée à tout moment et que c’était compliqué de relocaliser la salle d’examen.
 Afin d’empêcher la collaboration entre les étudiants, le professeur avait préparé quatre ou cinq sujets selon la première lettre des noms de famille. Je suis tombé sur le sujet le plus banal qui demandait de synthétiser sur les techniques et les supports utilisés dans l’animation. J’étais un peu déconcerté car j'aurais préféré rédiger ma copie sur l'influence d'Osamu Tezuka dont je suis un grand admirateur depuis l'enfance, ou sur l’animation de propagande japonaise et américaine. Mais je ne pouvais pas changer mon nom de famille.
 Hier, je me suis demandé si regarder « La Princesse Mononoké » de Hayao Miyazaki ne pouvait pas être considéré comme une révision de ce cours. Si je résume à partir de la conclusion, ça a été utile, parce que j’ai mentionné dans ma copie que c’est le premier film du studio Ghibli dans lequel l’infographie a été utilisée (même si l’emploi de cette technique était limité à quelques scènes) et que c’était le dernier dans lequel les dessins ont été peints à la main avec de la couleur. Dans la vie, on ne sait pas souvent ce qui s’avèrera utile. Les choses que l’on croit utiles sont souvent inutiles et vice versa. Il se peut donc que l’ancien français que je jugeais inutile jusque-là soit aussi utile un jour.
 Vers seize heures dix, nous avons reçu un mail du professeur qui annonçait la fin de l'épreuve, et disait que plus aucune copie ne serait acceptée à partir de ce moment-là. 

 Depuis quelques semaines, je pensais à offrir un livre à ma correspondante et correctrice Pauline. Elle avait corrigé plus de quatre cents pages de mes textes et traductions au total, mais je n’avais rien fait pour elle. J’admets que je suis quelqu’un d’insensible, néanmoins je ne suis pas si ingrat. Je suis sorti pour chercher un livre à la librairie Kléber.
 Il faisait très chaud dehors et il n’y avait pas de vent. Je suis descendu à la station République et j’ai marché jusqu’à la place Kléber.
 En me promenant, je pensais vaguement offrir à Pauline les trois tomes de « 1Q84 » de Haruki Murakami, un livre que j’adore depuis le lycée. Cependant, j’ai pensé à la possibilité que le livre l’ennuie dès le premier tome. Qu’adviendrait-il alors des deux derniers ? J’ai pensé qu’il valait mieux lui offrir un livre d’un seul tome comme « La Chronique de l’oiseau à ressort » ou « La Course au mouton sauvage ».

 Je ne sais pas pourquoi j’ai pris un livre tout à fait différent à la librairie. Il y avait un coin consacré à la littérature japonaise et j’avais inconsciemment pris « Le Vent se lève » de Tatsuo Hori, un roman court que j’avais déjà lu en japonais. Je pouvais encore me rappeler la scène du début de ce roman, dans laquelle Setsuko (''Naoko'' dans le film de Miyaazki) peignait dans la prairie, et un souffle de vent faisait tomber son chevalet. Ai-je eu envie de prendre cette nouvelle parce qu’on est au début de l’été ?
 À côté du « Vent se lève » étaient entassés plusieurs exemplaires du « Pavillon d’or » de Yukio Mishima. Une jeune femme élancée est venue à côté de moi et s’est mise à regarder des livres aux alentours en murmurant : « Écrivains japonais...». Depuis quelques semaines, je traduisais la note de ma traduction d’une thèse sur Yukio Mishima, et j’étais las de voir son nom. De plus, Mishima n’est pas vraiment mon écrivain préféré. Au moment où elle a pris « Le Pavillon d’or » après une longue hésitation, j’ai failli lui dire : « Pourquoi tu choisis celui-ci ! Il vaut mieux choisir un autre roman, comme ‘’La Formule préférée du professeur’’ ! », puis je me suis rappelé que je n’avais pas le droit d’imposer mon goût aux autres. La jeune femme est partie avec « Le Pavillon d’or ». J’ai pris « Le Vent se lève » ; Il n'en restait que trois exemplaires.

 Le vent soufflait lorsque je suis sorti de la librairie. Je me suis assis sur un banc et je me suis reposé un court moment. Des familles, des groupes de jeunes, des amants., toute sorte de gens sont passés devant moi. Puis, je me suis souvenu d’avoir lu il y a quelques jours qu’un fossile de mammouth était exposé devant la cathédrale.

 Une fontaine rectangulaire était installée à côté de la cathédrale en face du Palais Rohan : au centre de la fontaine, le squelette d’un mammouth était exposé au soleil dans une cage transparente. Son estrade était dissimulée par le jet d’eau, de telle sorte que le mammouth semblait flâner tout seul dans l’air.

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