J’avais envie d’écrire une lettre
depuis que j’ai lu « La classe de lettres de Yukio Mishima (Mishima Yukio
Letter Kyôshitsu) » (Je suis influençable). J’avais l’impression d’avoir
amélioré ma façon d’écrire une lettre grâce à ce roman épistolaire. Cependant,
je n’avais personne à qui envoyer une lettre. Il semble qu’il y ait en gros
deux conditions pour en écrire une. D’abord, il faut que deux personnes soient
suffisamment éloignées. Je ne dis pas qu’il est inutile d’écrire une lettre à
quelqu’un que l’on voit souvent, mais ça ne semble pas présenter beaucoup d’intérêt.
Le deuxième critère est personnel : je pense que les deux personnes doivent
avoir une relation qui n’est ni proche ni éloignée. Si on est trop proche, ce
n’est pas la peine de s’envoyer des lettres. Un coup de téléphone suffit. Si on
est trop loin, écrire une lettre paraît trop intime, car il suffit d’envoyer un
mail.
Lorsque j’ai dit que je voulais
écrire une lettre à quelqu’un, ma correspondante et correctrice Pauline m’a dit
que je pouvais en écrire une sans destinataire. En réalité, je pense qu’elle
est une personne idéale à qui adresser une lettre, puisqu’elle n’est pas trop
proche de moi (on ne s’est jamais vus), mais pas trop loin non plus (on échange
des avis fréquemment). De surcroît, nous sommes suffisamment éloignés
géographiquement.
J’ai déchiré une page de mon cahier
de Gallimard, et j’ai commencé à écrire le brouillon de ma lettre. Un instant,
je me suis demandé si j’écrivais en français ou en japonais. Finalement, j’ai
choisi le japonais, car le français semblait trop direct en l’occurrence. «
Chère Pauline. Il fait chaud de jour en jour à Strasbourg. Le vert des arbres
bordant les rues est un plaisir pour les yeux …… ». Cependant, j’ai soudain eu
l’impression qu’écrire une lettre sur une page déchirée d’un cahier avait
quelque chose d’inélégant. « L’acte d’écrire une lettre doit être quelque chose
de plus rituel », ai-je pensé. J’ai jeté le brouillon et je suis allé chercher
un papier à lettres convenable.
Je suis allé au quartier de la
cathédrale et j’ai erré pendant des heures sous le soleil. Je suis d'abord
entré dans une papeterie près de Broglie. Dans ce magasin, il y avait beaucoup
d’agendas et de cartes postales, mais il n’y avait pas de papier à lettres.
Ensuite j'ai commencé à entrer dans des ruelles au hasard. Au bout d'un moment,
j’ai débouché devant une petite papeterie. J’ai intuitivement compris que
c’était là que je devais trouver ma lettre à papier, et cette intuition s’est avérée
juste. Il y avait une variété de papiers à lettres avec différentes
illustrations. J'en ai finalement choisi un avec un dessin de chat. J’ai
demandé à la patronne si elle ne vendait pas de petite enveloppe, mais elle a
dit non.
Il y avait une autre papeterie tout près.
Pendant que je cherchais une petite enveloppe, je me suis souvenu que ma
trousse avait un trou d’où des stylos tombaient souvent. J’ai aussi acheté une
trousse dont la forme me rappelait un éclair.
Maintenant tout était prêt pour
écrire une lettre. J’avais un charmant papier à lettre, une enveloppe et une
nouvelle trousse. Chez moi, devant ma table, je me suis mis à écrire. Les mots
que j’avais conçus pendant des jours ont coulé du bout de mon stylo, et ils se sont imprimés sur le papier comme des gouttes de pluie. Ma lettre une fois signée, je l’ai mise
dans l’enveloppe avec « Le Vent se lève » que j’ai acheté avant-hier.
Je n'ai en fait pas écrit
grand-chose, mais je ne peux pas montrer ce que j'ai écrit dans ma lettre,
parce que, pour moi, contrairement aux SMS ou aux messages des réseaux
sociaux, le contenu d'une lettre doit être connu uniquement de l’expéditeur et
du destinataire.
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