Ce soir, j’ai essayé de manger de la
laitue. Je l’ai bien lavée avec de l’eau froide et mise dans un bol. La laitue
était d’un joli vert. Sa surface mouillée était si fraîche et lisse qu’aucun
escargot n’aurait pu résister au désir de ramper dessus. J’ai songé un instant à
l’itinéraire qu’elle avait suivi. La laitue a sans doute été élevée par un
agriculteur quelque part en France. Il se peut que cet agriculteur lui eût
donné un nom, Catherine, par exemple, et qu’il l’affectionnât particulièrement tel
son enfant. Un jour, le moment de la séparation est arrivé. Catherine a été
cueillie et chargée dans un camion. Après un long voyage, Catherine est arrivée
dans ma ville et on l’a exposée dans un rayon de supermarché. Par hasard, je
suis passé devant. J’ai eu envie de manger une salade. Le destin a voulu que je
la prenne parmi les autres laitues. C’est ainsi qu’elle est venue chez moi et
qu’elle s'est trouvé à cet instant dans un bol, en attendant d’être avalée.
J’ai pris une bouteille de
vinaigrette dans le placard. La fourchette était déjà prête. J’avais
même mis de la tomate pour que la laitue ne se sente pas seule. Dans quelques
instants, j’allais manger de la laitue et en savourer la fraîche saveur dans ma
bouche. Heureux, j’ai secoué la bouteille de vinaigrette pour bien la mélanger.
Il se peut même que je fredonnasse un morceau en la secouant comme une maraca.
À ce moment-là, le couvercle de la bouteille s’est ouvert tout seul et de la
vinaigrette a jailli dans l’air comme une fontaine. Le liquide qui a volé dans
l’espace, est ensuite tombé sur le plancher selon la loi de la gravité de la
terre, en créant des tâches brunâtres sur les carreaux. La laitue était intacte,
silencieuse dans son bol sur la table. Ce désastre est arrivé parce que la
dernière fois que j’avais utilisé de la vinaigrette, je n’avais pas bien fermé
la bouteille. Mon esprit s’est effondré. Je me suis couvert le visage et j’ai
versé des larmes métaphoriquement parlant. J'ai pris une serpillère et essuyé
le carrelage. Il ne ressemblait pas à de la vinaigrette. Il en émanait une
odeur acide et me rappelait plutôt de la vomissure. C’était étrange. La
vinaigrette, qui a l’air appétissante lorsqu’elle se trouve sur une salade,
semblait tout à coup nauséabonde sur le sol. En tous cas, j’ai essuyé le
plancher. Après m’être lavé les mains, cette fois, j’ai mis de l’huile d’olive
et un peu de sel sur la salade. Je l’ai enfoncée profondément avec la
fourchette.
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