jeudi 31 mai 2018

Les grandes orgues











 Aujourd’hui, j’ai visité l’église à côté de chez moi et je me suis promené dans le village. J’ai essayé d’entrer dans l’église par la porte principale, mais elle était verrouillée. L’église est peut-être fermée aujourd’hui, ai-je pensé. Alors que j’allais tourner les talons, j’ai aperçu une affiche qui demandait d’entrer par la porte latérale droite. J’ai trouvé une porte en bois qui s’ouvrait humblement sur le côté droit de l’église. Je l’ai poussée et je suis entré. Bien qu’une chaleur insupportable régnait dehors, il faisait si frais à l’intérieur que j’ai eu l’impression d’être dans un cercueil en pierre. J’ai avancé lentement vers l’autel et à un moment donné, je me suis retourné. Au-dessus, j’apercevais comme des tuyaux en argent très brillants dans cette église de pierre et de bois. Je me suis éloigné pour regarder l’ensemble de cette machine énigmatique. Devant l’autel, je me suis retourné de nouveau, et j’ai compris que c’étaient les grandes orgues dont j’avais entendu parler. Elles étaient installées au premier étage de l’église et avait l’air toutes neuves. Leurs tuyaux en argent brillaient sous la lumière s’infiltrant de l’extérieur, leurs formes m'ont rappelé une édifice apparue sur les nuages. Son apparence à la fois gigantesque et moderne avait une aura singulière dans cette architecture classique. La place de l’organiste était dissimulée par d’autres tuyaux. J’ai imaginé que les orgues ressembleraient à un vaisseau spatial si l’organiste y était assis
 Près de l’autel, une version minuscule de ces grandes orgues était installée. Je me suis demandé si quelqu’un tenait habituellement les grandes orgues. Une fois, quand j’étais enfant, j’ai écouté un concert d’orgue et je me souviens toujours de ses sons impérieux. Si quelqu’un en avait joué, je les aurais probablement entendues, car j’habite juste à côté. Chaque jour, on joue peut-être du ‘’petit’’ orgue.

 Une fois sorti de l’église, je me suis promené au hasard. En marchant, j’ai découvert une maison effrayante. Il y avait une grande vitre exposée au soleil au premier étage. De l’intérieur, une famille de mannequins regardait dehors ! À cause du reflet de lumière, je ne pouvais pas les voir clairement, mais les mannequins semblaient habillés comme la famille d’un roi. La femme avait une coiffure ressemblant au portrait de Marie Antoinette. Derrière elle, se tenait un homme. À leur côté, il y avait des enfants et des vieillards. Je ne comprends pas pourquoi le propriétaire de cette maison expose une chose pareille. Si je découvrais cette famille suspecte la nuit, je crierais et je me sauverais.

 J'ai traversé un pont et j'ai trouvé une curieuse construction. Je suppose que ce soit une ancienne forteresse. J'ai marché jusque-là, et j’ai découvert un petit trou rectangulaire, peut-être pour des fusils ou des canons. J’ai regardé à l’intérieur. Il y avait une lueur, mais ça semblait désert. Quelqu’un habite là?

 J’ai marché encore longtemps, et je suis arrivé devant un large bâtiment ressemblant à la piscine d’une école primaire. Je l’ai longé, puis j’ai réalisé que c’était l’entrepôt du supermarché où j’étais venu hier. J'étais donc arrivé près de chez moi. Comme c’est un petit village, j’en avais fait le tour sans m’en rendre compte !

mercredi 30 mai 2018

La lucarne


 Vivre sous les combles d’un appartement occidental était l’un de mes rêves. Depuis toujours, je suis attiré par les lucarnes sur les toits des bâtiments européens sans raison. Lorsque je marchais dans les rues, je ne pouvais m’empêcher d’imaginer le paysage que je pourrais dominer de là. Par la fenêtre sous les combles, j’aurais sous les yeux le quartier tout entier. La nuit, on pourrait trouver Orion et les étoiles les plus brillantes. Il ne ferait pas très clair à l’intérieur, mais il devrait y régner une pénombre confortable. Il se pourrait également que le fantôme d’une femme morte il y a cent ans erre la nuit.

 Cet humble rêve étrange a été réalisé de manière inattendue. Je suis venu dans ce petit village pour travailler comme interprète, et je vis en ce moment dans l’appartement sous les combles qu’a préparé l’entreprise.

 Ma chambre est assez grande, beaucoup plus que celle de Strasbourg. Il y a un grand lit au-dessus duquel se croisent des poutres en bois blancs. Elles dessinent une forme géométrique comme le plan d’une machine compliquée. Le toit est en pente, de telle sorte qu’il faut se courber pour aller au bout de la chambre, sinon on se cogne la tête comme ça m’est arrivé. Dans la salle de bain, il y a des toilettes et une douche. À côté se trouve un frigo, un micro-onde et une simple cuisine équipée de deux plaques électriques. Devant la cuisine, il y a une table sur laquelle je suis en train d’écrire cet article. Entre la cuisine et le lit, il y a un fauteuil et une petite table carrée. Tous ces meubles ne sont peut-être pas très chers. Ce sont des meubles simples qu’on peut trouver dans une chaîne de magasin comme Ikea. Sans ornement, ils remplissent leur rôle en tant que meubles. Les chaises sont là pour qu’on s’y asseye. Les tables sont là pour mettre quelque chose dessus et rien de plus. Ce fauteuil n’est pas une exception. Entre les trous du tissu de la couverture, on aperçoit les ressorts semblables à une carcasse sortie du plus profond de la mer. Si on s’assied, on a un peu mal au dos : l’étoffe n’est pas assez épaisse pour soutenir un corps humain. Mais si on y pose un coussin, ce fauteuil devient assez confortable. S’il était trop mou, je serais plus détendu qu’il ne convient et je ne pourrais pas me concentrer sur la lecture. Dans cette chambre, ce fauteuil est en fait mon préféré. J’aime son côté maussade comme s’il disait : « Assieds-toi si tu veux ». Aujourd’hui, je me suis mis à lire « Le Petit Joueur d’échec » sur ce fauteuil. Lorsque je me suis relevé, j’avais fini ce livre.

 La lucarne qui se trouve au-dessus de la cuisine est la seule fenêtre. Elle est rectangulaire, petite et en biais au même aspect que le toit, si bien qu’elle est tournée vers le soleil. De cette fenêtre on ne voit aucun bâtiment. Tout ce que l’on voit, c’est le ciel. Si on s’en éloigne un peu, on a l’impression que quelqu’un a découpé un morceau de ciel et l’a collé dessus. On peut regarder ce tableau toute la journée sans se fatiguer. Par exemple, ce matin, il pleuvait à torrent. Le soleil est revenu vers midi. Dans la soirée, les nuages dorés couraient quelque part, puis la nuit a couvert la fenêtre de noir, comme si un géant invisible tirait un rideau. De temps en temps on reçoit un visiteur adorable, un pigeon qui vient s’y reposer.

 Comme c’est la seule fenêtre, la chambre est assez sombre même pendant la journée. Cette pénombre est agréable pour moi parce que j’ai l’impression d’être dans un sous-marin et de voyager au fond de la mer. Quand la douceur du soleil me manque, je me mets devant la cuisine.

 Ici, je n’ai pas besoin de réveil, car chaque matin, la voix des enfants qui vivent au-dessous me réveille exactement à sept heures trente. La mère crie pour secouer ses enfants qui ont encore sommeil et les faire partir pour l’école. Je me demande comment les gens vivent dans un village si petit. Je sais qu’il y a une école primaire ici. Parfois je vois des adolescents qui vont peut-être au collège. En revanche, il n’y a ni lycée ni université ni cinéma ni librairie ni bus (c'est comme une chanson de YOSHI Ikuzô, mais les Français ne la connaissent pas). J’imagine que la plupart des jeunes quittent le village au moment où ils entrent au lycée. En même temps, je pense que la vie des enfants est peut-être la même où que ce soit. Ils retrouvent leurs camarades à l’école, travaillent ou jouent, puis rentrent chez eux, et ce mode de vie se répète jusqu’à ce qu’ils se rendent compte qu'ils ont grandi.

 C’est la troisième fois que je séjourne dans ce village pour le même travail. Chaque fois que je rentre à Strasbourg, j’ai l’impression que j’ai rêvé et que j’étais dans un endroit qui n'existe que dans le rêve de quelqu'un.


mardi 29 mai 2018

La carte SIM


 Mon patron m’a demandé si je voulais utiliser Internet pendant son absence. S’il y avait Internet, ce serait pratique. Cependant je n’en ai pas vraiment besoin parce que tout ce que je fais sur Internet, c’est d’aller sur un site occulte qui publie des histoires d’horreur et de meurtres sexuels, ou de maudire les gens qui ont l’air heureux sur Facebook. « Je ne vais pas mourir sans Internet », lui ai-je dit. Mais il m’a quand même proposé d’aller à Mulhouse pour acheter une carte SIM. C’était l’origine de notre mésaventure d’aujourd’hui.

 On a acheté une carte SIM chez Free. Je l’ai insérée dans mon portable et ça a parfaitement marché. Plus tard, nous l’avons insérée dans le routeur de wifi d’Orange. Alors qu’une employée d’Orange nous avait dit que l’on pouvait l’utiliser avec une carte SIM d’autres compagnies, ça n’a pas marché. Franchement je suis quelqu’un qui laisse aller les choses à moins que cela ne me pose trop de problèmes (Y a-t-il encore quelque chose qu’on puisse espérer dans ce monde ?). Mais mon patron est quelqu’un de têtu. Il m’a proposé d’aller chez Orange et de demander pourquoi ça ne marchait pas. Je suis entré dans le magasin et j’ai demandé à une employée si ce routeur était utilisable avec une carte SIM d’autre entreprise. Sa réponse a été un non sans appel. Elle a posé la même question à l’homme chauve qui se tenait à ses côtés. La réponse de cet homme a été la même. « Je ne crois pas », a-t-elle ajouté pour adoucir son ‘’non’’ trop sec. J’ai de nouveau inséré la carte SIM dans mon portable. Alors qu’elle fonctionnait tout à l’heure, je n’avais plus d’Internet. On avait jeté trente euros par la fenêtre. Heureusement, je ne suis pas abonné à Orange depuis longtemps.

lundi 28 mai 2018

Risotto à la truffe noire































 Et voilà, il est minuit neuf en France et je viens de rentrer de Milan dans ce petit village d’Alsace. La pluie torrentielle frappe la fenêtre, mais par chance, mon patron et moi sommes arrivés juste avant qu’il commence à pleuvoir.

 Ce matin, mon patron et moi avons quitté l’hôtel ; nous nous sommes de nouveau promenés dans la ville de Milan pour visiter un marché d’antiquités. Alors que selon un site d’Internet, un grand marché d’antiquités devait s’ouvrir le quatrième dimanche du mois, nous ne l’avons trouvé nulle part. Au bout d’un moment, nous avons renoncé et nous sommes allés en taxi au musée des sciences et des techniques Léonard de Vinci. Ce musée était beau et immense, cependant, c’était un peu différent de ce à quoi j’attendais. J’imaginais un musée de Léonard de Vinci en personne, mais en réalité, il expose des sciences et des techniques de l’humanité de manière plus globale, et seule une partie est consacrée à De Vinci. Le musée lui-même est très intéressant et si vaste qu’on pourrait y passer une journée entière. Mais je me suis dit qu’il vaudrait mieux changer le nom en « Musée des sciences et des techniques et un peu de Léonard de Vinci ».

 Plus tard, nous sommes entrés dans un restaurant par hasard, et nous avons commandé un risotto à la truffe noire. Un serveur nous a offert un petit verre de champagne. Je l’ai bu, et j’étais tout de suite ivre. 

 L’après-midi, nous avons encore exploré la ville. On a pensé entrer dans le Dôme de Milan. La cathédrale est en effet splendide, et j’aurais bien aimé entrer dedans, mais il faisait très chaud et il y avait une longue queue devant l’entrée. On est finalement entrés dans le musée du Dôme. Il faisait frais à l’intérieur, et diverses œuvres d’art, le plus souvent des sculptures et reliefs religieux étaient exposées.

 Pour clore notre voyage en Italie, nous avons visité l’église Santa Maria presso San Satiro (en fait, je ne suis pas certain que ce soit le nom de cette église). Elle est située dans un endroit discret près du Dôme. Les murs de chaque côté de l’autel sont en trompe-œil. De face, l’autel a l’air profond, toutefois si on le regarde de près, on s’aperçoit que c’est dû à l’effet d’optique des colonnes peintes et qu’il est en réalité peu profond.

 Il y a beaucoup de boutiques de vêtements à Milan. Les Italiens sont amicaux et chics. Parfois les Français (particulièrement les Parisiens) ont l’air hautains avec les étrangers, mais les Italiens étaient toujours très accueillants. Et les pâtes italiennes étaient vraiment bonnes. Ce que je regrette, c’est de ne pas parler italien et d'avoir été obligé de parler en anglais, parfois en français, sauf « Buongiorno » et « Grazzie ». Milan est une ville où sont nés Claudio Abbado, Lucino Visconti et Nino Rota. J’ai fredonné in petto quelques passages de la musique de Nino Rota. Alors que c’était la première fois que je me trouvais dans cette ville, elle m’a semblé familière.


 Nous avons quitté Milan en voiture vers dix-sept heures. Comme à l’aller, nous avons traversé plusieurs montagnes en Suisse. Au début, les panneaux étaient en italien. Quand nous avons traversé un tunnel si long qu’il semblait infini, cette fois, les panneaux étaient en allemand. Dans les montagnes, on voyait quelques maisons disséminées. Je me suis demandé comment les gens vivaient dans cet environnement. J’ai aussi imaginé quelle vie je mènerais si je vivais dans cet endroit.

 Lorsque le ciel a commencé à se couvrir, nous avons garé la voiture et avons dîné dans une aire de repos en Suisse. Cependant, j’étais fatigué et je n’avais pas d’appétit. Je n’ai pris que des fruits. Mon patron m’a dit qu’il voulait du porc, j’ai dit à une serveuse « Entschuldigung, ein Schweinsteak, bitte » et elle a compris mon allemand. J’ai appris passionnément cette langue pendant un an. Je devrai peut-être recommencer cet apprentissage.

 Quelques heures plus tard, nous avons finalement quitté la Suisse. J’ai vu un panneau électrique en français : « Alerte orage ». Je me suis senti tout à coup soulagé. Je suis rentré en France ! Jamais le français ne m’avait autant manqué. Au loin, le ciel s’est illuminé dans le ciel nocturne. Quelques instants plus tard, il y a eu de nouveau un ‘’flash’’ dans l’obscurité. C’étaient des éclairs. Toutefois, on n’entendait pas le tonnerre, ce qu’il signifiait qu’ils étaient loin. Au fur et à mesure que nous nous dirigions vers notre village, d’épais nuages semblaient s’approcher. Le ciel s’éclairait de plus en plus fréquemment. J’ai senti l’odeur de la pluie. « C’est comme si on entrait dans l’orage », a dit mon patron à côté de moi. Dans l’instant où un clair zébrait le ciel, j’ai pu apercevoir, la chaîne de montagne qui s’étendaient au loin. Vers minuits, on est arrivés devant notre appartement. « On a de la chance. Il va pleuvoir », a dit mon patron. Comme il disait ces mots, au moment où nous avons franchi le seuil, il a commencé à pleuvoir à torrent et des coups de tonnerres ont retenti.

 Je ferme les yeux et je songe à la ville de Milan où j’étais tout à l’heure. J’imagine dans ma tête de la manière la plus détaillée possible les moindres ruelles, toutes les personnes que j’ai croisées et tous les bâtiments que j’ai vus. Le paysage de ma chambre de l’hôtel et le dos d’une Milanaise marchant dans la rue. Dans mon esprit, je monte dans le tram orange.


dimanche 27 mai 2018

Spaghetti alle vongole



























 Aujourd’hui, mon patron et moi sommes arrivés en Italie en voiture, en passant par la Suisse. Au total, ce trajet nous a demandé cinq heures. Nous nous sommes d’abord arrêtés en Suisse et nous avons déjeuné dans un restaurant. Mon patron a choisi des pâtes et j’ai pris un risotto. Le risotto était un peu salé mais bon. Mon patron s’est plaint que ses pâtes étaient mauvaises. On était étonné quand on a réglé car le prix était presque trois fois plus qu’en France. Dans cette ville, les habitants parlent allemand. J’ai eu pour la première fois l’occasion de pratiquer réellement cette langue. Les serveurs ont compris mon allemand. Quelques heures plus tard, à la frontière avec l’Italie, nous nous sommes reposés dans une aire de repos et nous avons bu du jus d’orange. Là, les serveurs parlaient italien. Par rapport à la France, la Suisse est entourée de montagnes. Nous avons dû passer de longs tunnels à plusieurs reprises.

 Au bout de cinq heures, nous sommes enfin entrés en Italie et arrivés à Milan. Après avoir déposé nos bagages, nous nous sommes promenés. Milan est une ville animée et charmante, mais un peu sale et il y a beaucoup de monde. En revanche, j’ai eu l’impression que les Italiens sont plus souriants et amicaux que les Français. Mais moi, je ne suis pas du tout souriant parce que personne ne m'a appris à être amical.

 Dans la soirée, nous avons erré dans la ville pour trouver un restaurant. Dans une ruelle, une voyante nous a dit : « Arigato ». Devant un restaurant, un serveur nous a aussi dit : « Arigato » et il nous a naturellement fait entrer. Je me demande comment ils distinguent les Japonais, alors que j’ai vu aussi beaucoup de Chinois.
 Nous avons mangé une pizza marguerita et des spaghetti alle vongole pour le dîner.

 La joyeuse ambiance de Milan, contrairement à Strasbourg qui est plutôt calme m’a impressionné. En même temps, j’ai constaté que je n’aime pas vraiment le voyage. Depuis l’enfance, j'éprouvais un sentiment mélancolique lorsque mes parents me proposaient un voyage. Ils croyaient que ça me plaisait, mais en réalité, je préférais lire une encyclopédie plutôt que d’aller dans un parc d’attraction. De plus, si je voyage, je préfère être seul. Voilà, maintenant on comprend pourquoi je n’ai que très peu d’amis. Tant pis pour moi.