Quand j’étais au lycée, dans le cours d’art, nous
devions construire une maquette de la chaise idéale. Je ne sais pas pourquoi,
mais j’ai fait une chaise électrique avec du papier mâché. Toutefois, au début,
elle ne ressemblait pas à une chaise électrique. Ce n’était qu’une chaise
blanche ordinaire. Je me suis demandé ce qui lui manquait. D’ailleurs, je
n’avais même pas vu de véritable chaise électrique. J’avais juste vu la scène
épouvantable où un condamné à mort brûle lors de son exécution dans ‘’La ligne
verte’’. (Pourquoi les gens considèrent-ils que ce film est humain ? C’est un
film d’horreur pour moi à cause de cette scène.) Plus tard, j’ai conclu que ma
chaise manquait de fils électriques pour électrocuter un prisonnier. Je me suis
souvenu qu’il y avait un vieil ordinateur cassé dans le débarras. Je l’ai
démonté et j’ai collé quelques composants à ma chaise. Le résultat était
satisfaisant. Cela ressemblait à une chaise électrique de science-fiction. Mais
la texture du papier mâché ne me plaisait pas. Pour l'améliorer, j'ai rajouté au
dessus de la cire de bougies. La suie l’a rendue plus réelle. C’était comme les
traces du cadavre d’un condamné à mort qui vient d’être exécuté.
Le dernier jour
de ce programme, j’ai apporté ma chaise au lycée. Quand j’ai vu les œuvres des
autres, je me suis rendu compte de mon erreur. Ils avaient apporté des chaises
modernes ou de style classique sur lesquelles on pouvait se détendre. J’étais
la seule personne à avoir construit une chaise électrique. Cependant, on m'a
complimenté pour mon œuvre, même la professeure grosse et robuste qu’on avait
envie d’appeler Monsieur. J’ai dû expliquer la raison pour laquelle j’avais
construit une chaise électrique. Je ne me souviens plus ce que j’ai dit à ce
moment-là mais je crois avoir dit à peu près : « la mort dans la société est
souvent invisible et ignorée. Lorsqu’une personne décède, quelles traces
laisse-t-elle ? J’imagine qu’un condamné à mort électrocuté laisse au moins son
ombre en forme de brûlure etc. » Pourtant je ne savais plus ce que je disais.
Je n'ai pas fini mes études au lycée parce que je me
sentais de plus en plus mal dans cette société fermée, et au final, je l’ai
quittée. Dans les toilettes d’une station de métro, j’ai avalé deux ou trois
cents somnifères. Je n'ai aucun souvenir de ce qui a suivi. Quand j'ai repris
conscience, j’étais dans un hôpital. Je n’étais pas dans un lit. J’étais couché
sur un matelas sur le sol et il y avait une perfusion dans mon bras. La
sensation de l'aiguille dans ma chair m’a donné le haut-le-cœur. Les lampes
fluorescentes du plafond m'ont ébloui.
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