Comme il n’y avait pas de cours de littérature
comparée, je me suis levé vers neuf heures. (Au fait, pourquoi la professeure
de ce cours me dit-elle toujours bonjour quand elle passe à côté de moi ? Le
dit-elle à tout le monde ? ) La lumière douce et chaude s’introduisait à
travers la jalousie. Le parfum de l’hiver avait été emporté quelque part, le
temps était agréable comme le printemps. On n’avait pas besoin de manteau.
Je pensais réviser le latin et la linguistique
diachronique mais au final, je n’ai rien fait. Le temps a passé inexorablement
pendant que j’écoutais le premier album de BUMP OF CHICKEN et que j’écrivais
des choses inutiles. Depuis quelques semaines, j’avais l’intention de rendre
les livres que j’avais empruntés à la médiathèque André Malraux. Je suis sorti
vers treize heures. Comme il faisait beau, j’ai préféré marcher un peu : j’ai
pris le tram.
Je suis descendu à l’arrêt l’Université et j’ai marché jusqu’à la médiathèque. Elle était un peu loin, mais le bruit que faisaient mes chaussures m’amusait. Après avoir traversé un pont en bois, j’y suis arrivé.
L’architecture de la médiathèque est extrêmement
moderne et raffinée. On dirait un bâtiment de ‘’Blade Runner’’. À l’entrée, il
y a une machine hexagonale où l’on met les livres. Elle lit automatiquement les
codes des livres, puis elle tourne. C’est un spectacle. J’aurais voulu rendre
beaucoup de livres mais je n’en avais que trois.
L’intérieur des ascenseurs est couvert de miroirs.
Mais pourquoi dois-je regarder mon apparence physique qui n’est pas très
agréable juste pour atteindre les étages ? Ça me rend misérable. Je regrette de
ne pas ressembler à Gérard Phillipe. D’ailleurs, j’imagine que de temps à
autre, il y a des enfants qui se perdent dans le monde du miroir.
Je me suis baladé un peu à l’étage des bandes
dessinées. J’ai lu une BD de Moebius et celle de Tazuka que je ne connaissais
pas. Je voulais emprunter quelque chose mais l’heure du cours d’anglais
approchait. J’ai décidé de revenir bientôt et je suis parti.
Je suis le seul homme dans le cours d’anglais. Le
premier jour, il y avait un autre garçon mais il ne vient plus. Je ne me
souviens plus à quoi il ressemblait. J’ai remarqué que les filles sont plus
sociables que les garçons. Elles sympathisent très vite entre elles même si
elles ne se connaissent pas, mais ce n’est qu’une généralité. Quelque part dans
le monde, il doit y avoir aussi une fille qui manque de sociabilité et qui lit
avec plaisir ‘’ Peines de mort. Histoire et techniques des exécutions
capitales’’ de Martin Monestier, Son film préféré est sans doute ‘’Buffalo
‘66’’ de Vincent Gallo.
Le cours d’anglais était ennuyeux. Willy a dit qu’on
ferait exceptionnellement un cours de grammaire. Bien que je sois en niveau C1
cette année, il s’agissait de comparatifs, un exercice qui semblait être plutôt
pour les débutants. Il a dit également qu’on devrait tous faire un exposé. Donc
au total, j’ai cinq exposés à faire. Si j’étais Holden Caulfield, en rentrant
des épaules, je dirais sûrement « Ça me saoule, franchement. » La tragédie,
c’est que je n’ai plus l’âge de Holden, ni celui de Kafka Tamura, ni celui de
Sid Vicious.
D’habitude, je prends le bus à l’arrêt qui est juste
devant le Patio. Aujourd’hui, je voulais profiter du soleil. J’ai décidé de me
promener. Le chemin que je prenais toujours en bus semblait totalement
différent quand je marchais. Je voyais plus clairement beaucoup plus de choses
: Les cheveux blonds d’une femme en vélo, des feuilles rouges tombées par
terre, des gens qui causaient sur la terrasse d’un bistrot. C’étaient des
choses que je n’avais pas remarquées, que j’ignorais. En haut d’un immeuble,
une vieille femme étendait un drap blanc pour faire tomber la poussière. Ni la
vieille femme ni le drap n’étaient jolis, mais j’étais attiré par ce paysage
pour une raison inexplicable. Pendant quelques instants, je n'ai pas pu le
quitter des yeux.
En même temps, la lumière du faux printemps mettait ma
solitude en relief. Je me suis dit que j’étais seul : j’étais comme un
satellite abandonné qui orbite éternellement autour de la Terre. Sans aucun
moyen de m'en approcher, tout ce que je pouvais faire, c’était admirer le bleu
de la planète.
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