Aujourd’hui beaucoup de monde a séché le cours de
littérature générale et comparée ou simplement ils l’avaient oublié puisque
celui-ci avait été annulé pendant deux semaines. Nous avons étudié l’histoire
de cette discipline. La professeur, jeune et enjouée, nous a montré un
diaporama très soigné avec des photos de chercheurs importants. À la fin du
cours, elle nous a demandé d’écrire ce que nous avons particulièrement
remarqué. J’avais peur qu’elle dise d’échanger son avis avec un voisin et
j’allais me préparer à discuter avec mon amie imaginaire, une fille de 9 ans
morte il y a deux cents ans dans un quartier pauvre de l’Angleterre. Du moins,
c’est ce qu’elle dit. Au final, la professeure a juste choisi des étudiants au
hasard et elle leur a demandé d’exprimer leur avis. Je regardais ailleurs pour
qu’elle ne me voie pas. Quant à moi, j’avais écrit dans mon cahier :
« Ce que j’ai remarqué :
1. Le chapeau de Madame De Staël. Je le trouve très bizarre lol.2. Je traduis des livres japonais en français. Ne serais-je pas dispensé du partiel ?3. J’ai vu Goethe ce matin à la République. Il était mouillé. »
Il y a un vieux conte japonais intitulé ‘’Kasa-Jizô’’.
Dans cette histoire, un jour un vieillard rencontre des statues en pierre
(Jizô) mouillées par la pluie. Ce vieillard qui les prend en pitié leur donne
ses parapluies qu’il allait vendre. Quelques jours plus tard, ces statues en
pierre lui rendent visite pour le remercier. Donc, si j’offre un parapluie à
cette statue de Goethe, viendra-t-il chez moi plus tard pour me remercier ?
Pourra-t-il m’aider à faire mon devoir de littérature et celui d’allemand ?
Sorti de l’amphithéâtre, je suis allé au kébab. Au
moment où j’ai essayé d’y entrer, un homme bronzé m’a demandé d’attendre dix
minutes. Je me suis donc assis à la terrasse. J’ai observé la ville de
Strasbourg entièrement mouillée. Je trouve que Strasbourg est encore plus jolie
sous la pluie. On dirait une belle femme en deuil. Quelques minutes plus tard,
un autre homme corpulent à grosse moustache (pourquoi les patrons des
restaurants turcs sont-ils souvent comme cela ?) m’a appelé d’un geste de la
main. C’est quelqu’un de bien, parce qu’il a mis beaucoup de viandes dans mon
kébab.
C’était un peu trop tôt pour le déjeuner, mais je l’ai
mangé à l’Atrium. En mangeant, je me suis demandé pourquoi il n’y a
pratiquement pas de kébab au Japon alors qu’il est très bon.
« Dieu a d’abord mangé du Kebab, puis il a créé ce monde (de merde) en sept jours. »« Au début, la terre est informe, vide et plongée dans les ténèbres. Dieu sépara les kebabs d'avec les tortillas et les nomma "Donner". »
Il écrit ainsi dans la Bible. Par ce passage, on
comprend l’importance de kébab.
À un moment donné, mon portable a émis un bruit
sinistre. Un SMS était arrivé. Le numéro affiché m'était inconnu. Je me suis
rendu compte tout de suite que c’était l’idiote que j’avais bloquée quelques
jours auparavant. Effectivement, j’avais bloqué tous ses réseaux sociaux, mais
j’avais oublié de bloquer son numéro de portable car nous communiquions
rarement par SMS. Aussitôt, j’ai déprimé. J’étais troublé. Je me suis demandé
un instant si j’allais l’ignorer. Finalement, je lui ai envoyé un extrait de mon
journal à son sujet :
« Je veux qu’elle meure de manière terrible. J’aimerais qu’elle se ballade la nuit et qu’un homme handicapé mental de deux mètres la viole. Elle criera mais dans la rue solitaire de Paris, il n’y aura qu’un SDF endormi et presque dément. Elle tombera ensuite enceinte et elle accouchera d’une fille difforme.»
Ensuite, elle a écrit de longs messages. J’y ai jeté un coup
d’œil. Je ne savais pas qu’elle était devenue schizophrène. Je les ai
supprimés.
À ce moment-là, ma journée a été complètement gâchée.
Le désir de suicide que je réprimais jusque-là a resurgi. Si j’avais un death
note, j’y écrirai son nom au moins cinq millions de fois. Pour la cause de la
mort, je choisirai : « Morte asphyxiée la bouche pleine d’excréments » Alors
que je faisais toujours attention à ne pas être blessé et que c’est la raison
pour laquelle j’évite les gens, j’ai complètement été détruit. J’ai éprouvé le
besoin de me mutiler le bras pour m’apaiser, toutefois je n’avais pas de
cutter. De plus, j’avais un cours d’anglais l’après-midi. C’était impossible
d’y aller le bras sanglanté. Le moyen que j’ai choisi était de fermer les yeux
et d’écouter ‘’Masterplan’’ à l’infini. Sans m’en rendre compte, je répétais
‘’Nevermind’’.
Il y a des gens qui pensent que l'automutilation est
pour se suicider. Mais c'est le contraire. Pour moi, c'est pour vivre. Je ne me
mutile donc pas le poignet. Je me mutile juste la surface de la peau mais
uniquement quand je me sens horriblement mal. Le signal électrique qu'envoient
les nerfs domine mon esprit. À proportion de la douleur physique, le mal moral
s'adoucit pendant que l'hémorragie continue. Honnêtement, je le trouve moche.
Je ne suis pas une fille de 14 ans. Mais avoir mal est beaucoup mieux que de ne
rien sentir.
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