samedi 28 octobre 2017

Nevermind

 Aujourd’hui beaucoup de monde a séché le cours de littérature générale et comparée ou simplement ils l’avaient oublié puisque celui-ci avait été annulé pendant deux semaines. Nous avons étudié l’histoire de cette discipline. La professeur, jeune et enjouée, nous a montré un diaporama très soigné avec des photos de chercheurs importants. À la fin du cours, elle nous a demandé d’écrire ce que nous avons particulièrement remarqué. J’avais peur qu’elle dise d’échanger son avis avec un voisin et j’allais me préparer à discuter avec mon amie imaginaire, une fille de 9 ans morte il y a deux cents ans dans un quartier pauvre de l’Angleterre. Du moins, c’est ce qu’elle dit. Au final, la professeure a juste choisi des étudiants au hasard et elle leur a demandé d’exprimer leur avis. Je regardais ailleurs pour qu’elle ne me voie pas. Quant à moi, j’avais écrit dans mon cahier :
« Ce que j’ai remarqué : 

1. Le chapeau de Madame De Staël. Je le trouve très bizarre lol.
2. Je traduis des livres japonais en français. Ne serais-je pas dispensé du partiel ?
3. J’ai vu Goethe ce matin à la République. Il était mouillé. »
 Il y a un vieux conte japonais intitulé ‘’Kasa-Jizô’’. Dans cette histoire, un jour un vieillard rencontre des statues en pierre (Jizô) mouillées par la pluie. Ce vieillard qui les prend en pitié leur donne ses parapluies qu’il allait vendre. Quelques jours plus tard, ces statues en pierre lui rendent visite pour le remercier. Donc, si j’offre un parapluie à cette statue de Goethe, viendra-t-il chez moi plus tard pour me remercier ? Pourra-t-il m’aider à faire mon devoir de littérature et celui d’allemand ?

 Sorti de l’amphithéâtre, je suis allé au kébab. Au moment où j’ai essayé d’y entrer, un homme bronzé m’a demandé d’attendre dix minutes. Je me suis donc assis à la terrasse. J’ai observé la ville de Strasbourg entièrement mouillée. Je trouve que Strasbourg est encore plus jolie sous la pluie. On dirait une belle femme en deuil. Quelques minutes plus tard, un autre homme corpulent à grosse moustache (pourquoi les patrons des restaurants turcs sont-ils souvent comme cela ?) m’a appelé d’un geste de la main. C’est quelqu’un de bien, parce qu’il a mis beaucoup de viandes dans mon kébab.

 C’était un peu trop tôt pour le déjeuner, mais je l’ai mangé à l’Atrium. En mangeant, je me suis demandé pourquoi il n’y a pratiquement pas de kébab au Japon alors qu’il est très bon.


« Dieu a d’abord mangé du Kebab, puis il a créé ce monde (de merde) en sept jours. »
« Au début, la terre est informe, vide et plongée dans les ténèbres. Dieu sépara les kebabs d'avec les tortillas et les nomma "Donner". »
 Il écrit ainsi dans la Bible. Par ce passage, on comprend l’importance de kébab.

 À un moment donné, mon portable a émis un bruit sinistre. Un SMS était arrivé. Le numéro affiché m'était inconnu. Je me suis rendu compte tout de suite que c’était l’idiote que j’avais bloquée quelques jours auparavant. Effectivement, j’avais bloqué tous ses réseaux sociaux, mais j’avais oublié de bloquer son numéro de portable car nous communiquions rarement par SMS. Aussitôt, j’ai déprimé. J’étais troublé. Je me suis demandé un instant si j’allais l’ignorer. Finalement, je lui ai envoyé un extrait de mon journal à son sujet : 
« Je veux qu’elle meure de manière terrible. J’aimerais qu’elle se ballade la nuit et qu’un homme handicapé mental de deux mètres la viole. Elle criera mais dans la rue solitaire de Paris, il n’y aura qu’un SDF endormi et presque dément. Elle tombera ensuite enceinte et elle accouchera d’une fille difforme.» 
 Ensuite, elle a écrit de longs messages. J’y ai jeté un coup d’œil. Je ne savais pas qu’elle était devenue schizophrène. Je les ai supprimés.

 À ce moment-là, ma journée a été complètement gâchée. Le désir de suicide que je réprimais jusque-là a resurgi. Si j’avais un death note, j’y écrirai son nom au moins cinq millions de fois. Pour la cause de la mort, je choisirai : « Morte asphyxiée la bouche pleine d’excréments » Alors que je faisais toujours attention à ne pas être blessé et que c’est la raison pour laquelle j’évite les gens, j’ai complètement été détruit. J’ai éprouvé le besoin de me mutiler le bras pour m’apaiser, toutefois je n’avais pas de cutter. De plus, j’avais un cours d’anglais l’après-midi. C’était impossible d’y aller le bras sanglanté. Le moyen que j’ai choisi était de fermer les yeux et d’écouter ‘’Masterplan’’ à l’infini. Sans m’en rendre compte, je répétais ‘’Nevermind’’.

 Il y a des gens qui pensent que l'automutilation est pour se suicider. Mais c'est le contraire. Pour moi, c'est pour vivre. Je ne me mutile donc pas le poignet. Je me mutile juste la surface de la peau mais uniquement quand je me sens horriblement mal. Le signal électrique qu'envoient les nerfs domine mon esprit. À proportion de la douleur physique, le mal moral s'adoucit pendant que l'hémorragie continue. Honnêtement, je le trouve moche. Je ne suis pas une fille de 14 ans. Mais avoir mal est beaucoup mieux que de ne rien sentir.

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