J’ai échoué de nouveau sur le maintien d'une relation humaine. J’ai perdu une correspondante. Cette fois, la
relation a duré pendant quatre mois. D’habitude, je n’arrive pas à garder une relation
plus d’une semaine, que ce soit sur Internet ou dans la vraie vie. C’était une
fille idiote et moche, mais si gentille qu’elle m’a envoyé un ours en peluche.
Je ne voulais pas donner mon adresse à une inconnue, mais le désir de recevoir
une mignonne peluche d'ourson avait pris le dessus.
Je lui ai dit :
« Je te bloque ». Elle m’a répondu : « Tu ne pourras pas » avec une faute
d’orthographe. Alors, je l’ai bloquée sur tous les réseaux sociaux (Facebook,
Line, Hellotalk etc.). Il ne faut pas oublier que je n’ai pas d’ami depuis le
lycée et que je me suis habitué à être abandonné. Certains m’ont critiqué en
disant que j’étais un psychopathe, au sang-froid et que j’avais un trouble de
la personnalité borderline. Je suis désolé pour eux, mais toutes ces
allégations ont été réfutées par mon psychiatre de l’époque. Au contraire, je
suis hypersensible, et je crois être capable de lire la pensée des gens.
Toutes les injures que j’ai encaissées jusqu’ici sont gravées sur la peau de
mon bras gauche comme autant de cicatrices. Quand il y a du soleil, cette
sculpture se dessine plus clairement sur ma peau. Ce n’est pas grand-chose,
mais je peux vous montrer ce chef d’œuvre de scarification, si vous voulez.
Elle m’a dit
qu’elle reviendrait sur Strasbourg mais j’ai refusé de la revoir. Elle m’a répondu
qu’elle savait où j’habite.
Maintenant je
regrette d’avoir refusé cette proposition. J’aurais dû l’accepter puis la
bloquer sur tous ses réseaux sociaux le jour où elle viendra. Une fille qui
attend quelqu’un en vain au pied de la Cathédrale de Notre-Dame, c’est
poétique.
Contrairement à
Pauline, elle ne servait pas à grand-chose. Elle ne savait pas écrire
correctement en français. Je lui ai demandé plusieurs fois de corriger mes
textes. Elle les a corrigés avec plein de fautes. J’ai dû les revoir moi-même
plus tard. Elle m’avait dit qu’elle m’aiderait à apprendre le français, mais en
réalité, elle a dû l’apprendre avec moi.
Je veux qu’elle
meure de manière terrible. J’aimerais qu’elle se ballade la nuit et qu’un homme
handicapé mental de deux mètres la viole. Elle criera mais dans la rue
solitaire de Paris, il n’y aura qu’un SDF endormi et presque dément. Elle
tombera ensuite enceinte et elle accouchera d’une fille difforme, sosie de
Joseph Merryck alias Elephant Man mais très douce et gentille. Et un jour
pluvieux de l’hiver, elle se jettera du pont neuf dans la Seine.
Les gens disent que c’est fatigant d’être avec moi.
J’aimerais insister sur le fait que je suis aussi fatigué d’être moi.
Je ne peux plus
me battre tout seul contre cette dépression qui perdure. Donc, avant d’aller à l’examen d’allemand,
j’ai pris rendez-vous pour une consultation au Centre d'accueil
médico-psychologique universitaire de Strasbourg. Le bâtiment se trouve à l’opposé du Patio,
dans la direction de la médiathèque André Malraux. À la réception se trouvait une vieille dame
aux cheveux grisonnants. Elle portait des lunettes ressemblant à celles de
Jean-Luc Mélenchon.
Je lui ai dit
que je souhaitais prendre rendez-vous avec un psychiatre et elle m’a répondu
que le secrétariat était au fond, à gauche.
À côté d’un escalier, il y avait une affiche avec une flèche sur
laquelle était écrit « Camus ». J’ai suivi la direction de cette flèche : elle
indiquait une pièce dont la porte était ouverte. J’y suis entré d’un pas hésitant.
Une vieille dame aux cheveux blancs siégeait là, telle une reine. Je lui ai dit que je voulais prendre
rendez-vous. Elle m’a demandé mon nom alors je lui ai montré ma carte
d’étudiant. Finalement, j’ai rendez-vous
avec une psychiatre le 20 Novembre. J’essaye d’imaginer à quoi elle ressemble…
Ressemble-t-elle à l'incarnation féminine d’Hannibal Lector ? Ou est-ce une
jeune femme blonde et souriante comme on en voit dans les films hollywoodiens
les plus ridicules ? La dernière fois que je suis allé chez le psychiatre,
j’avais dix-huit ans. Mon médecin était un homme d’âge mûr, solide comme un
athlète. Qu’est-ce que je pourrais lui dire ? Lui dirais-je en imitant Ivan
dans ‘’Les frères Karamazov’’, « Madame, j’ai des visions. Je vois des gens
morts dans les rues. » ? Lui dirais-je qu'un diable qui adore les pommes m'a
donné un cahier qui permet de tuer les gens en y notant leurs noms ? Plus simplement, je lui dirais sans
doute que tout ce que je vois me blesse, que je ne veux plus vivre dans ce
monde.
En bref, je ne
suis pas quelqu’un d’exigeant. Je ne
demande pas grand-chose. Je ne demande
pas de ressembler à la plupart des gens. Je ne demande qu’on me comprenne. Je
ne demande pas qu’on m’encourage. Je me dis juste que, si cette douleur
s’atténuait un peu, ce serait chouette. Ou est-ce déjà trop en demander?
J’avais ma propre théorie selon laquelle tous les
professeurs d’allemand ont les cheveux blancs. L’année dernière, l’homme de
nationalité suisse qui était mon professeur d’allemand avait déjà les cheveux
blancs alors qu’il n’était même pas si vieux que ça. Ma professeure actuelle
est une femme allemande et ses cheveux sont tout blancs. Les cheveux d’une
autre professeure que j’ai vue étaient blancs aussi. Mais aujourd’hui, cette
théorie a été infirmée. Dans l’amphithéâtre six, qui était la salle d’examen,
parmi les professeurs, il y avait un homme que je n’ai jamais vu. L’une des
professeures aux cheveux blancs nous a dit que c’était son collègue. Et hélas !
Ses cheveux étaient gris. Je voulais lui demander pourquoi ses cheveux
n’étaient pas blancs, mais au final, sans rien dire, je me suis mis à écrire
mon brouillon.
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