lundi 23 octobre 2017

La dépression

 J’ai échoué de nouveau sur le maintien d'une relation humaine. J’ai perdu une correspondante. Cette fois, la relation a duré pendant quatre mois. D’habitude,  je n’arrive pas à garder une relation plus d’une semaine, que ce soit sur Internet ou dans la vraie vie. C’était une fille idiote et moche, mais si gentille qu’elle m’a envoyé un ours en peluche. Je ne voulais pas donner mon adresse à une inconnue, mais le désir de recevoir une mignonne peluche d'ourson avait pris le dessus.
 Je lui ai dit : « Je te bloque ». Elle m’a répondu : « Tu ne pourras pas » avec une faute d’orthographe. Alors, je l’ai bloquée sur tous les réseaux sociaux (Facebook, Line, Hellotalk etc.). Il ne faut pas oublier que je n’ai pas d’ami depuis le lycée et que je me suis habitué à être abandonné. Certains m’ont critiqué en disant que j’étais un psychopathe, au sang-froid et que j’avais un trouble de la personnalité borderline. Je suis désolé pour eux, mais toutes ces allégations ont été réfutées par mon psychiatre de l’époque. Au contraire, je suis hypersensible, et je crois être capable de lire la pensée des gens. Toutes les injures que j’ai encaissées jusqu’ici sont gravées sur la peau de mon bras gauche comme autant de cicatrices. Quand il y a du soleil, cette sculpture se dessine plus clairement sur ma peau. Ce n’est pas grand-chose, mais je peux vous montrer ce chef d’œuvre de scarification, si vous voulez.
 Elle m’a dit qu’elle reviendrait sur Strasbourg mais j’ai refusé de la revoir. Elle m’a répondu qu’elle savait où j’habite.
 Maintenant je regrette d’avoir refusé cette proposition. J’aurais dû l’accepter puis la bloquer sur tous ses réseaux sociaux le jour où elle viendra. Une fille qui attend quelqu’un en vain au pied de la Cathédrale de Notre-Dame, c’est poétique.
 Contrairement à Pauline, elle ne servait pas à grand-chose. Elle ne savait pas écrire correctement en français. Je lui ai demandé plusieurs fois de corriger mes textes. Elle les a corrigés avec plein de fautes. J’ai dû les revoir moi-même plus tard. Elle m’avait dit qu’elle m’aiderait à apprendre le français, mais en réalité, elle a dû l’apprendre avec moi.
 Je veux qu’elle meure de manière terrible. J’aimerais qu’elle se ballade la nuit et qu’un homme handicapé mental de deux mètres la viole. Elle criera mais dans la rue solitaire de Paris, il n’y aura qu’un SDF endormi et presque dément. Elle tombera ensuite enceinte et elle accouchera d’une fille difforme, sosie de Joseph Merryck alias Elephant Man mais très douce et gentille. Et un jour pluvieux de l’hiver, elle se jettera du pont neuf dans la Seine.

Les gens disent que c’est fatigant d’être avec moi. J’aimerais insister sur le fait que je suis aussi fatigué d’être moi. 

 Je ne peux plus me battre tout seul contre cette dépression qui perdure. Donc, avant d’aller à l’examen d’allemand, j’ai pris rendez-vous pour une consultation au Centre d'accueil médico-psychologique universitaire de Strasbourg.  Le bâtiment se trouve à l’opposé du Patio, dans la direction de la médiathèque André Malraux.  À la réception se trouvait une vieille dame aux cheveux grisonnants. Elle portait des lunettes ressemblant à celles de Jean-Luc Mélenchon.
 Je lui ai dit que je souhaitais prendre rendez-vous avec un psychiatre et elle m’a répondu que le secrétariat était au fond, à gauche.  À côté d’un escalier, il y avait une affiche avec une flèche sur laquelle était écrit « Camus ». J’ai suivi la direction de cette flèche : elle indiquait une pièce dont la porte était ouverte. J’y suis entré d’un pas hésitant. Une vieille dame aux cheveux blancs siégeait là, telle une reine.  Je lui ai dit que je voulais prendre rendez-vous. Elle m’a demandé mon nom alors je lui ai montré ma carte d’étudiant. Finalement, j’ai  rendez-vous avec une psychiatre le 20 Novembre. J’essaye d’imaginer à quoi elle ressemble… Ressemble-t-elle à l'incarnation féminine d’Hannibal Lector ? Ou est-ce une jeune femme blonde et souriante comme on en voit dans les films hollywoodiens les plus ridicules ? La dernière fois que je suis allé chez le psychiatre, j’avais dix-huit ans. Mon médecin était un homme d’âge mûr, solide comme un athlète. Qu’est-ce que je pourrais lui dire ? Lui dirais-je en imitant Ivan dans ‘’Les frères Karamazov’’, « Madame, j’ai des visions. Je vois des gens morts dans les rues. » ? Lui dirais-je qu'un diable qui adore les pommes m'a donné un cahier qui permet de tuer les gens en y notant leurs  noms ? Plus simplement, je lui dirais sans doute que tout ce que je vois me blesse, que je ne veux plus vivre dans ce monde.
 En bref, je ne suis pas quelqu’un d’exigeant.  Je ne demande pas grand-chose.  Je ne demande pas de ressembler à la plupart des gens. Je ne demande qu’on me comprenne. Je ne demande pas qu’on m’encourage. Je me dis juste que, si cette douleur s’atténuait un peu, ce serait chouette. Ou est-ce déjà trop en demander?


J’avais ma propre théorie selon laquelle tous les professeurs d’allemand ont les cheveux blancs. L’année dernière, l’homme de nationalité suisse qui était mon professeur d’allemand avait déjà les cheveux blancs alors qu’il n’était même pas si vieux que ça. Ma professeure actuelle est une femme allemande et ses cheveux sont tout blancs. Les cheveux d’une autre professeure que j’ai vue étaient blancs aussi. Mais aujourd’hui, cette théorie a été infirmée. Dans l’amphithéâtre six, qui était la salle d’examen, parmi les professeurs, il y avait un homme que je n’ai jamais vu. L’une des professeures aux cheveux blancs nous a dit que c’était son collègue. Et hélas ! Ses cheveux étaient gris. Je voulais lui demander pourquoi ses cheveux n’étaient pas blancs, mais au final, sans rien dire, je me suis mis à écrire mon brouillon.

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