Hier, quand je me
lavais les mains dans le lavabo, je me suis rendu compte que l'eau stagnait. Je
l’ai contemplée pendant un certain temps. L’eau sale contenant du savon semblait
s’écouler mais très lentement ; elle était pratiquement immobile. Après avoir
attendu qu’elle soit engloutie, j’ai fait bouillir de l’eau et je l’ai versée
dans le tuyau. J’avais déjà réussi à déboucher le lavabo par ce moyen, mais
cette fois, il semblait que la situation avait empiré. L'eau ne s 'écoulait
plus du tout. L’eau chaude faisait un étang jaunâtre et sale.
J’étais désespéré. Je ne sais pas pourquoi le
lavabo s’est tout à coup bouché. Je n’avais vraiment rien fait. Je n’avais pas
vomi dedans, je n’avais pas coupé mes cheveux, je ne l’avais pas insulté.
Pendant que j’étais à l’université, une femme s’était peut-être introduite dans
ma chambre, et avait coupé un de ses doigts qu'elle avait jeté dans le lavabo.
J'en étais arrivé à cette conclusion. Je n'avais trouvé aucune autre
explication logique.
Si j’étais né au
XIVème siècle, j’aurais été complètement anéanti et déconcerté face à un lavabo
bouché. Mais je suis né au XXe siècle, j’ai un ami digne de confiance : Google.
J’ai tapé ‘’déboucher le lavabo’’. On m'a
suggéré de verser du bicarbonate de soude mais hélas, je n’en avais pas. Un
autre moyen consistait à nettoyer le siphon du lavabo. J’ai examiné mon lavabo
; le siphon était facile à trouver. Encouragé comme un général romain devant un
ennemi affaibli, j'étais sûr de l'emporter. Un sourire victorieux sur le
visage, j’ai ouvert le siphon. Aussitôt, de l’eau sale a jailli. Étonné, j’ai
sursauté. Puis j’ai glissé sur cette mare et je suis tombé. Maintenant il était
trop tard pour arrêter cette fontaine sordide. Dans la mare, j’ai trouvé un
centime que j’avais laissé tomber dans le tuyau un jour. Des moineaux idiots
criaient dehors. Ils se moquaient de moi.
Aujourd’hui, après le cours de littérature
romaine, je suis sorti la salle de cours le plus vite que tout le monde. Je
suis allé à Simply pour chercher un déboucheur. Après avoir erré un certain
moment, j’ai enfin trouvé des bouteilles de déboucheurs. Elles étaient en bas
d’une étagère de produits d’entretien des toilettes. Il y en avait plusieurs.
J’ai choisi la bouteille noire sur laquelle il était écrit ‘’Ouragan’’.
Celle-ci avait l’air efficace, vu qu’un ouragan a dévasté certaines îles de
France quelques semaines plus tôt. Cet ouragan noir nettoierait le tuyau
complètement.
Chez moi, j’ai ouvert le déboucheur, une odeur
forte de médicament chimique a envahi mes narines. J’ai versé le produit dans
le lavabo. Un liquide jaune et visqueux s'est formé. J’ai commencé à
m’inquiéter : Si même de l’eau ordinaire, pas visqueuse du tout, ne s'écoulait
pas, comment un tel gel le pourrait-il ?
J’ai attendu
quelques dizaines de minutes. J’avais ouvert la fenêtre mais l’odeur chimique
me donnait mal au cœur. J’ai somnolé quelques instants. Je rêvais que j’étais
avalé par un égout obscur.
Lorsque j’ai regardé de nouveau le lavabo, le
liquide jaune avait disparu. J’ai ouvert le robinet et j’ai vérifié que de
l’eau s’écoulait sans problème. J’étais impressionné comme quelqu'un qui a été
témoin d'un miracle de Jésus.
Si quelqu’un me demande quelle a été la plus
marquante de mes expériences en France, je lui répondrai fièrement que c’est le
moment où j’ai débouché le lavabo.
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