Étant donné
que le cours de littérature du XVIII siècle était annulé, je n’avais qu’un seul
cours aujourd’hui. Honnêtement, il me semblait ridicule de devoir me réveiller
tôt juste pour un seul cours. Je me suis demandé un instant si je le sécherais.
Toutefois, je suis quelqu’un qui préfère accomplir ce qu'il a décidé (Autrement
dit, je ne respecte pas ce que je ne me suis pas juré de faire : le ménage, la
vaisselle, répondre à des messages etc.) Étant donné que j'avais décidé de ne
jamais manquer un cours, j’ai résisté à la séduction de la couette chaleureuse.
La moitié de mon esprit dans un rêve, j’ai siroté du café. Après avoir mis de
quoi écrire et des cahiers dans mon sac à dos, j’ai failli sortir sans
m’habiller. Le froid vif de l’hiver tout proche m’a rappelé la nécessité de
m’emmitoufler dans mon manteau.
Pendant le
cours, je résistais à une force mystérieuse qui essayait de me fermer les yeux.
Deux nains agrippés à mes paupières s'efforçaient de les tirer vers le bas.
L'un m’a chuchoté à mon oreille : « Dors juste cinq minutes. Comme ça, tu
pourras te concentrer plus tard.» L'autre a chuchoté : « Tu veux que je te
chante une berceuse ?» et il s'est mis à fredonner le quatrième mouvement de la
Symphonie fantastique de Berlioz. Choisir ‘’La marche au supplice'' comme une
berceuse ! Il est évident qu'il voulait que je fasse un terrible cauchemar.
La voix
doucereuse du professeur me parvenait de loin. Je regardais distraitement le
dos de la feuille blanche qu’il avait distribuée. J’entendais vaguement qu’il
récitait un poème de Baudelaire. À moitié endormi, j’ai vu le visage de
Baudelaire que j’avais déjà vu ailleurs surgir sur cette feuille blanche. Un
homme qui avait un grand front, le regard aigu et les lèvres fermement serrées.
Le poète avait l’air malheureux. À ce moment-là, j’ai eu un peu mal au ventre
sans doute à cause du café. Je pense que mon visage devait ressembler un peu à
celui de ce grand poète. Avait-il aussi mal au ventre ?
Je me suis
inconsciemment mis à dessiner son visage. C’est alors que j’ai entendu le
professeur dire au loin, « prostituées ». J’ai donc ajouté trois prostituées
entourant Baudelaire sur la feuille blanche. Dès que j'eus dessiné la troisième
femme, une femme noire passant son bras autour du cou du poète, il m'a semblé que
ses lèvres se sont un peu détendues. Je m’amusais de plus en plus, mais
contrairement à ma conscience qui se réveillait petit à petit, je m’écartais
progressivement du monde réel. Quand j’ai levé la tête quelques minutes plus
tard, j’ai eu l’impression que le professeur me regardait. J’espère qu’il ne
s’est pas rendu compte que je dessinais. J'ai détourné les yeux, et j’ai
regardé par la fenêtre. Le ciel bleuissait à l’horizon, je me suis senti
comblé.
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