Il y a quelques jours, mon esclave,
Ophélie, m’a dit qu’elle avait vu mon sosie dans la rue. Elle m’a dit que cet
homme avait tout à fait le même visage, la même coupe, et portait le même
manteau que moi. Ça ne m’a pas étonné car je trouve mon apparence physique assez
banale. J’imagine qu’il y a plus de mille personnes au monde qui me ressemblent
physiquement. Mais Ophélie ne m’a pas cru. Il ne faut pas toujours la prendre
au sérieux car elle dit souvent ‘’non’’ automatiquement, avant de réfléchir. Cependant,
je pense que cette personne ne me ressemblait pas à ce point. Pourquoi ? Parce
que si elle était exactement comme moi, Ophélie aurait lui adressé la parole.
Mais un clin d’œil lui a suffi pour comprendre que ce n’était pas moi.
En allemand, il y a le mot ‘’Doppelgänger’’.
‘’Doppel’’ signifie ‘’double’’, ‘’gänger’’, ‘’celui qui marche’’. Ça veut donc
dire ‘’son double qui marche’’. Au Japon, on dit que celui qui a vu son Doppelgänger
meurt. Par exemple, il est notoire que l’écrivain Ryûnosuke AKUTAGAWA s’est
suicidé quelques jours après avoir dit qu’il avait vu son sosie. Je dois donc
essayer de ne pas rencontrer cette personne qui me ressemble. Mais si mon sosie
débouchait soudain dans une ruelle où je flânais, je n’aurais aucun moyen de
lui échapper.
Aujourd’hui, je suis allé à la BNU pour
emprunter un livre que j’avais demandé. « The Man In
The High Castle » de Phillipe K Dick. En marchant vers l’accueil, je me suis rendu compte que l’une
des trois bibliothécaires assises à la réception ressemblait beaucoup à Ophélie.
Un instant je me suis même demandé ce qu’elle faisait là, alors qu’il y a
quelques jours, elle m’a dit qu’elle était chez ses parents en Picardie pour
fêter le quatre-vingt dixième anniversaire de sa grand-mère. Cette
bibliothécaire portait des lunettes à monture d’argent, elle avait les yeux
bleus et les cheveux blonds. J’ai eu peur, j’ai changé de direction et j’ai
demandé mon livre à une autre bibliothécaire qui avait l’air plus gentille, assise à
l’autre bout.
Plus tard, j'ai envoyé un message à
Ophélie pour lui dire que, moi aussi, j'avais vu son sosie. Elle m'a dit que
selon une de ses amies, on voyait son sosie partout. Les
"Doppelgänger" d'Ophélie prolifèrent peut-être en secret. Un jour, le
monde serait rempli de femmes qui auront le même visage qu'elle.
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