lundi 12 février 2018

La disparition

 J’ai reçu un mail de l’administration de l’université la semaine dernière. Il me demandait communiquer le plus tôt possible les cours optionnels que j’avais choisis. Il était écrit : « Il se trouve que vous n’avez pas rendu le contrat pédagogique en fin d’octobre… » J’ai poussé un soupir. J’avais évidemment rendu mon contrat pédagogique. Je me souviens avoir remis ma fiche à une jeune femme, avec quatre enveloppes timbrées. J’ai immédiatement répondu à ce mail, en ajoutant « Pourtant je me rappelle bien que j’ai rendu mon contrat pédagogique ».

 Je suis allé à l’université plus tôt que d’habitude pour vérifier ce qui se passait. Je suis allé au secrétariat de la faculté de lettres. J’ai frappé plusieurs fois à la porte, mais personne ne m’a répondu. Je l’ai doucement ouverte. Une étudiante était en train de parler avec une secrétaire, qui, elle aussi était une jeune femme à lunettes. Elles ont interrompu leur conversation un instant et m’ont regardé. J’ai aussitôt fermé la porte. Quelques minutes plus tard, la fille est sortie. Je suis entré dans le bureau. J’ai dit bonjour à la jeune femme à lunettes et j’ai expliqué ma situation. Elle écoutait mon histoire en fronçant les sourcils comme si elle entendait une langue inconnue. Inquiet, je lui ai demandé si elle comprenait ce que je disais. Elle a acquiescé. Et finalement, je lui ai demandé de me montrer la feuille d’émargement de la remise du contrat pédagogique. À ce moment-là, une femme ronde, d’un certain âge est sortie de la pièce qui se trouvait au fond. Elle m’a dit : « Vous êtes Monsieur Tazuwa ? ». « Tatsuya », ai-je corrigé. Sans y prêter attention, elle m’a dit qu’il y avait bel et bien ma signature sur la feuille d’émargement mais que seul mon contrat pédagogique avait disparu. La jeune femme a ouvert un grand tiroir qui se trouvait derrière elle et à l’intérieur duquel étaient classés de nombreux dossiers.

« Cela veut dire que l’administration a perdu mon contrat pédagogique ? ai-je dit.
- Oui ! », a dit la femme ronde avec conviction, l'air joyeux.  

 Si ça avait été un film de Takeshi Kitano, elle serait morte en une seconde.

 J’ai pensé si je lui demandais pourquoi elle avait écrit « Il se trouve que vous n’avez pas rendu votre contrat pédagogique… », mais je me suis tu. Ce n’était qu’un contrat pédagogique de l’université. Ce n’était pas un chèque d'un million d'euros. Elle m’a demandé de remplir de nouveau un contrat pédagogique avec une photo d’identité.

 En sortant du bureau, j’ai imaginé ce qui était arrivé à mon contrat pédagogique. Qui l’avait perdu ? La jeune femme qui l’avait reçu était-elle tombée amoureuse de ma belle écriture, l'avait-elle ramené chez elle, l’avait-elle encadré et accroché au mur du salon ? Ce qui me semble probable, c’est qu’il s’est glissé dans le dossier de quelqu’un d’autre ou qu'il a été rangé dans un autre endroit. Peut-être le retrouvera-t-on dans dix ou vingt ans. Et celui qui le découvrira se demandera qui était cet étudiant qui le contemple d’un regard maussade sur la petite photo d’identité, qui s'était inscrit à l'université dix ou vingt ans auparavant.

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