Dans un roman de Raymond Chandler, il
y a la phrase célèbre : « To say goodbye is to die a little (Dire au revoir est
mourir un peu) ». J’aimerais aussi dire une chose aussi spirituelle mais j’ai
honte, de plus, en réalité, c’est difficile d’en dire sans avoir bu. Si je suis
ivre, j’ai peur de dire des bêtises. Alors, je ne peux y rien faire.
Je ne conteste pas Monsieur Chandler,
mais si je me permets d’exprimer mon avis personnel, on ne meurt pas souvent un
peu après avoir dit « Au revoir ». Nous mourons un peu lorsque nous affrontons
le fait d’avoir dit « Au revoir » et quand nous sentons réellement le poids
d’une chose à laquelle nous avons dit adieu. Mais dans la plupart des cas, on a
besoin de temps afin de regarder autour de soi avant d’atteindre ce point.
Moi aussi, j’ai dit au revoir à pas
mal de gens dans ma vie, toutefois je n’ai presque pas l’impression d’avoir pu
dire un joli adieu. Lorsque j’y repense, je me dis « J’aurais quand même pu
dire au revoir un peu mieux ». J’ai donc encore des regrets – mais pas tant que
ça (même si je regrette, cela ne garantit pas que je puisse vivre mieux). Ce
qui confirme justement que combien je suis insuffisant et peu sérieux. Peut-être
que l’homme ne meurt pas d’un coup, il meurt petit à petit en laissant beaucoup
de choses derrière lui.
Je vais vous narrer la fois où,
exceptionnellement j'ai pu dire un bel adieu.
Le dernier jour du XXème siècle, le
crépuscule était incroyablement beau sur la plage nord du Kauai. Une masse
orangée allait se dissimuler derrière le bout d’une montagne, les nuages et la
mer étaient teintés de la même couleur. Je conduisais une voiture en cherchant
un endroit où regarder le soleil embrasé. Par hasard, la belle chanson de Brian
Wilson « Caroline No » émanait de la radio. J’ai eu le cœur rempli d’émotion et je
n’ai rien pu dire pendant un certain moment.
Jusque-là, je n’avais pas beaucoup
d’intérêts sur le fait que le XXème siècle s'achevait. Je me disais dans mon
cœur que ce n’était qu’une question de calendrier. Néanmoins pendant que
j’écoutais cette chanson, j’ai eu ce sentiment : « À cet instant, je suis en
train dire adieu à une masse immense du temps » et cela s’est répandu dans tout
mon corps. J’avais seize ans lorsque j’avais écouté pour la première fois «
Caroline No ». Honnêtement, je n’avais pas compris ce morceau. Je le comprends
maintenant. Je le comprends profondément. Et à ce moment-là, j’ai senti
réellement que mon XXème siècle s’est écoulé de cette manière. Ce n’est en
effet pas grand-chose, mais pour moi c’était quelque chose.
Ainsi, j’ai
l’impression que j’ai pu adresser un bel adieu au XXème siècle, grâce à un
certain arrière-plan et une musique. Cela arrive parfois.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire