mercredi 14 février 2018

L'Ondes Martenot

 J’ai participé pour la première fois au café de langues. Comme j’avais un peu peur d’y aller tout seul, j’ai amené mon esclave, Ophélie. Elle avait l’air mélancolique comme d’habitude. Dans le tram, je lui ai demandé ce qu’elle a fait aujourd’hui. Sa réponse est toujours la même. « Rien ».

 Nous sommes descendus à l’arrêt Gallia et nous avons marché jusqu’au foyer d’étudiants catholiques. Ni Ophélie ni moi étions catholique. Nous avons passé une arcade et nous avons aussitôt trouvé un grand panneau sur lequel il était écrit « Euro Student Café ». Devant la porte, j’ai demandé à Ophélie d’ouvrir la porte. Elle a hésité. Elle a marché un peu autour, puis elle a enfin ouvert la porte. Un homme d’un certain âge assis sur une table s’est tourné vers nous. Il nous a demandé de nous installer à sa table. Il n’était sans doute pas français car il nous a parlé dans un anglais parfait. Je comprenais ce qu’il disait, mais comme j’ai du mal à parler anglais, je laissais mon esclave lui répondre. Ophélie s'est présentée à lui en lui disant qu'elle était étudiante en marketing, qu’elle avait vécu un an en Chine etc. Pendant ce temps, j’observais l’intérieur du café. À part le serveur, qui était tout seul au comptoir, il n'y avait presque personne. Je ne savais pas si c’était normal ou si d’autres personnes arriveraient au fur et à mesure. Plusieurs minutes se sont écoulées ainsi. À un moment donné, une petite dame asiatique est entrée par la porte. L’homme qui parlait anglais s’est levé et l’a saluée. J’ai su qu’elle était japonaise car j’ai entendu l’homme l'appeler par son nom.

 La dame japonaise, Ophélie et moi, nous nous sommes déplacés vers une autre table, une table de japonais, français et chinois chinois (mais aucun Chinois n’est venu ce soir). La dame avait encore du mal à parler en français. J’ai éventuellement interprété ce qu’elle voulait dire. Plus tard, il s’est révélé qu’elle entrait dans un conservatoire à Strasbourg. Elle nous a dit qu’elle jouait d’un instrument particulier, que très peu de personne connait, ‘’Ondes Martenot’’. Je ne connaissais pas cet instrument, Ophélie non plus. Elle m’a dit que Messiaen s’en servait puis m’a demandé si je connaissais d’autres compositeurs de son époque. Je n'ai pas une bonne mémoire en ce qui concerne les dates, je me trompe peut-être, mais j’ai cité mes quelques compositeurs modernes préférés : Schoenberg, Bartok, Stravinsky. Elle nous a raconté l’histoire de l'Ondes Martenot, que Martenot venait du nom de l’inventeur, que c’était un soldat de la première guerre mondiale et qu’il l’a inventé car il était inspiré par la vibration des tubes à vides tripolaires. Selon la petite recherche que j’ai effectuée chez moi, il semble que Johnny Greenwood de Radiohead se sert de cet instrument né en France. Ce qui est étrange, c’est qu’elle m’a dit qu’elle avait joué « Ave Maria » avec cet instrument récemment. Par hasard, j’avais écouté « Ave Maria » de Maria Callas hier. « Ave Maria » est un morceau populaire, mais je ne l’avais pas écouté depuis longtemps.

 Dans le tram du retour, l’une des deux filles qui sont montées à l’arrêt Wakecn m’a fréquemment regardé du coin de son œil et je me suis senti gêné. Elle avait une tête en forme d’un œuf et des cheveux bruns qui tombaient sur ses épaules frêles. Elle parlait à son amie, mais ses yeux étaient rivés sur moi. Je sais bien que je ne suis pas beau, mais mon visage est-il si bizarre qu’une personne ne peut s’empêcher d’y fixer un regard intense ?

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