vendredi 6 avril 2018

Every Little Thing


 Hier, j’ai imprimé le manuscrit d’un livre que j’ai traduit du japonais au français en travaillant avec ma correspondante Pauline, et j’en ai envoyé trois exemplaires à trois maisons d’édition. C’est un livre atypique mais je le trouve intéressant. J’espère qu’il sera publié, mais cela reste quand même difficile, car ma traduction n’est pas un travail de professionnel. De plus, j’ai traduit de ma langue maternelle à une langue étrangère, même si une native a vérifié mon travail. L’avantage de la traduction de sa langue maternelle à une langue étrangère, c’est qu’on comprend très bien le texte original, et que le ristque d’interprétation erronée est limité. En revanche, on ne sait pas si la traduction est naturelle ou pas.

 Ce qui est intéressant, c’est que chaque Français perçoit un même texte différemment. Une fois, j’ai montré une phrase que j’avais traduite à plusieurs Français. L’un a dit qu’elle était naturelle. L’autre a dit qu’elle n’était pas naturelle. Mais je comprends ce phénomène, car quand Haruki Murakami a débuté, il a été très critiqué (il l’est encore et pour la même raison) sous prétexte que son japonais semblait traduit de l’anglais et que ce n’était pas naturel. Kenzaburô Oe a aussi une écriture singulière. Il utilise de nombreuses virgules et allonge ses phrases. J’imagine qu’il a dû donner du fil à retordre à ses traducteurs. Chose étonnante, l’écriture de Sôseki Natsume est toujours fluide et naturelle même à notre époque, bien qu’il soit mort il y a plus de cent ans. Mais il faut rappeler qu’à son époque, la langue japonaise subissait une modernisation. C’est-à-dire que l’écriture et la parole étaient encore très différentes. Si on lit les œuvres d’un écrivain de la même génération que Sôseki, Ogai Mori, on comprend facilement qu’elles sont beaucoup plus difficiles à lire que celles de Sôseki. Je ne connais pas grand-chose à la littérature japonaise, mais personnellement, je pense que Natsume Sôseki est l’un des pionniers du japonais moderne, si bien que sa tentative d’écrire dans la langue de tous les jours était innovatrice. Le japonais de Sôseki est devenu standard. Sôseki est mort en 1916. Après la défaite en 1945, de nombreux mots anglais se sont introduits dans le japonais. Un jour, un professeur français m’a demandé pourquoi les Japonais appellent une ‘’porte’’, ‘’doa (door)’’, et un ‘’stylo’’, ‘’pen’’. Je lui ai au contraire demandé pourquoi les Français appellent ‘’la fin de semaine’’, le ‘’weekend’’, mais il m’a dit qu’il y a beaucoup plus de mots anglais en japonais. Il avait raison et j’ai dû l’admettre. Et en quelque sorte, il me semble que l’écriture qui ressemble à ‘’un texte traduit de l’anglais’’ de Haruki Murakami symbolise ‘’le japonais d’après Sôseki’’. Je pense que beaucoup ne sont pas d’accord avec moi, mais je n’ai pas l’intention d’imposer mon avis. Ce n’est qu’une petite réflexion personnelle.

 Aujourd’hui, j’ai assisté pour la première fois au cours de traduction de japonais aux dépens de mes cours sur le théâtre romain et la Bible. Le professeur prenait le texte par phrase, il l’analysait et montrait aux étudiants qu’il y avait très souvent plusieurs possibilités de traduire une phrase. En effet, la traduction n’ est pas un exercice qui n'admet qu'une seule réponse. Ce n'est pas comme les mathématiques. 

 Le problème que l’on rencontre souvent quand on traduit du japonais au français, c’est qu’à cause de la différence linguistique, il arrive souvent que si on essaie d’être fidèle au sens du texte original, on perd la fluidité en français, et que si on essaie de garder la fluidité, on perd certaines nuances du texte. Personnellement, je ne pense pas qu’une traduction littérale soit toujours préférable. J’accorde plus d’importance à la fluidité de la traduction, même si l’on doit renoncer à certaines nuances.

 Pour le moment, je n’ai pas l’intention de traduire tout un roman. Si vous essayez une fois de traduire un livre entier, vous vous rendrez compte que c’est un travail pénible même si c’est intéressant. Il faut parfois des heures ou des journées pour traduire quelques lignes. De surcroît, je n'étais pas payé ! Je pense donc que Pauline, qui a corrigé ma traduction qui compte plus de cent pages alors que je ne lui offrais rien en échange, est quelqu'un de très bizarre.

 Une autre remarque sur le cours de traduction du japonais pour finir cet article. L’accent français en japonais est adorable. J'avais l'impression que c'étaient des bébés qui parlaient. J'espère que les étudiants en LLCE ou LEA japonais vont garder leur affreuse prononciation !

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