Hier, j’ai imprimé le manuscrit d’un livre que j’ai
traduit du japonais au français en travaillant avec ma correspondante Pauline,
et j’en ai envoyé trois exemplaires à trois maisons d’édition. C’est un livre
atypique mais je le trouve intéressant. J’espère qu’il sera publié, mais cela reste
quand même difficile, car ma traduction n’est pas un travail de professionnel.
De plus, j’ai traduit de ma langue maternelle à une langue étrangère, même si
une native a vérifié mon travail. L’avantage de la traduction de sa langue
maternelle à une langue étrangère, c’est qu’on comprend très bien le texte
original, et que le ristque d’interprétation erronée est limité. En revanche,
on ne sait pas si la traduction est naturelle ou pas.
Ce qui est
intéressant, c’est que chaque Français perçoit un même texte différemment. Une
fois, j’ai montré une phrase que j’avais traduite à plusieurs Français. L’un a
dit qu’elle était naturelle. L’autre a dit qu’elle n’était pas naturelle. Mais
je comprends ce phénomène, car quand Haruki Murakami a débuté, il a été très
critiqué (il l’est encore et pour la même raison) sous prétexte que son
japonais semblait traduit de l’anglais et que ce n’était pas naturel. Kenzaburô
Oe a aussi une écriture singulière. Il utilise de nombreuses virgules et
allonge ses phrases. J’imagine qu’il a dû donner du fil à retordre à ses
traducteurs. Chose étonnante, l’écriture de Sôseki Natsume est toujours fluide
et naturelle même à notre époque, bien qu’il soit mort il y a plus de cent ans.
Mais il faut rappeler qu’à son époque, la langue japonaise subissait une
modernisation. C’est-à-dire que l’écriture et la parole étaient encore très
différentes. Si on lit les œuvres d’un écrivain de la même génération que
Sôseki, Ogai Mori, on comprend facilement qu’elles sont beaucoup plus
difficiles à lire que celles de Sôseki. Je ne connais pas grand-chose à la
littérature japonaise, mais personnellement, je pense que Natsume Sôseki est
l’un des pionniers du japonais moderne, si bien que sa tentative d’écrire dans
la langue de tous les jours était innovatrice. Le japonais de Sôseki est devenu
standard. Sôseki est mort en 1916. Après la défaite en 1945, de nombreux mots
anglais se sont introduits dans le japonais. Un jour, un professeur français
m’a demandé pourquoi les Japonais appellent une ‘’porte’’, ‘’doa (door)’’, et un
‘’stylo’’, ‘’pen’’. Je lui ai au contraire demandé pourquoi les Français
appellent ‘’la fin de semaine’’, le ‘’weekend’’, mais il m’a dit qu’il y a
beaucoup plus de mots anglais en japonais. Il avait raison et j’ai dû l’admettre.
Et en quelque sorte, il me semble que l’écriture qui ressemble à ‘’un texte
traduit de l’anglais’’ de Haruki Murakami symbolise ‘’le japonais d’après
Sôseki’’. Je pense que beaucoup ne sont pas d’accord avec moi, mais je n’ai pas
l’intention d’imposer mon avis. Ce n’est qu’une petite réflexion personnelle.
Aujourd’hui, j’ai assisté pour la première fois au
cours de traduction de japonais aux dépens de mes cours sur le théâtre romain
et la Bible. Le professeur prenait le texte par phrase, il l’analysait et
montrait aux étudiants qu’il y avait très souvent plusieurs possibilités de traduire
une phrase. En effet, la traduction n’ est pas un exercice qui n'admet qu'une
seule réponse. Ce n'est pas comme les mathématiques.
Le problème que l’on rencontre souvent quand on
traduit du japonais au français, c’est qu’à cause de la différence
linguistique, il arrive souvent que si on essaie d’être fidèle au sens du texte
original, on perd la fluidité en français, et que si on essaie de garder la
fluidité, on perd certaines nuances du texte. Personnellement, je ne pense pas
qu’une traduction littérale soit toujours préférable. J’accorde plus d’importance
à la fluidité de la traduction, même si l’on doit renoncer à certaines nuances.
Pour le moment, je n’ai pas l’intention de traduire tout
un roman. Si vous essayez une fois de traduire un livre entier, vous vous
rendrez compte que c’est un travail pénible même si c’est intéressant. Il faut
parfois des heures ou des journées pour traduire quelques lignes. De surcroît, je
n'étais pas payé ! Je pense donc que Pauline, qui a corrigé ma traduction qui
compte plus de cent pages alors que je ne lui offrais rien en échange, est
quelqu'un de très bizarre.
Une autre remarque sur le cours de traduction du
japonais pour finir cet article. L’accent français en japonais est adorable. J'avais
l'impression que c'étaient des bébés qui parlaient. J'espère que les étudiants
en LLCE ou LEA japonais vont garder leur affreuse prononciation !
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