J’aime beaucoup les filles aux
cheveux longs et lisses ; par contre, je déteste avoir les cheveux longs.
Les cheveux qui tombaient sur ma nuque m’irritaient et quand j’avais envie de
lire un livre, mes mèches m’en empêchaient. De plus, c’est bientôt l’été et il
fera chaud. J’ai donc décidé d’aller chez le coiffeur aujourd’hui.
Vers onze heures, j’ai appelé le
salon de coiffure où je vais toujours. La voix d’une femme entre deux âges m’a
dit qu’elle était disponible à midi et demi. J’ai avalé le café que j’étais en
train de boire et je me suis tout de suite préparé.
Je suis arrivé chez le coiffeur, mais
il n’y avait personne. En fait, il y avait quelqu’un, car j’entendais une
conversation au fond. Je pouvais crier bonjour, mais je me suis borné à leur
envoyer de la télépathie.
La télépathie a marché. Quelques
instants plus tard, le coiffeur qui s’occupe toujours de mes cheveux est sorti
du fond. Il m’a salué et m’a dit que c’était lui avec qui j’avais parlé au
téléphone tout à l’heure. J’ai pensé qu’il plaisantait.
« Mais non, c’était une dame ! ai-je
dit.
- En fait, on me dit souvent que j’ai
une voix féminine au téléphone », a-t-il dit.
Très étrange.
J’ai remarqué que chez le coiffeur en
France, quand on fait du shampooing, le client doit lever la tête. C’était la
même chose chez un autre coiffeur que j’avais envie d’appeler plutôt
décoiffeur. Au Japon, il y a deux types de salons de coiffure, celui pour
hommes et celui pour femmes. Cette différence devient de plus en plus ambiguë
depuis quelque temps, et les salons de coiffure deviennent progressivement
unisexes, mais normalement, dans ceux pour hommes, le client baisse la tête
pour le shampooing. Personnellement, je préfère baisser la tête car je suis sûr
que le visage des êtres humains pendant le shampooing ressemble à celui d’un
idiot. Si je ne veux pas avoir l’air idiot, je dois prendre une expression
douloureuse, comme si je réfléchissais à une question métaphysique que personne
au monde n’avait affrontée. Et alors le coiffeur me demande : « Ça va ? L’eau
est trop chaude ? ».
« Comme d’habitude ? m’a demandé mon
coiffeur.
Comme d’habitude », lui ai-je dit de
la manière la plus hard-boiled possible.
Je pense que c’est un bon coiffeur, puisqu'il sait bien ce que je souhaite et aussi qu’il n’essaie
pas de bavarder avec moi pendant la coupe. Il est vrai que le nombre de salons
de coiffures où je suis allé en France est limité, mais au Japon, parfois, ou
très souvent, il y a des coiffeurs qui veulent causer avec leurs clients. Dans
cette nation où le service clientèle est excédentaire, le bavardage inutile est
censé plaire aux clients alors qu’en réalité, le plus souvent ce n’est pas le cas.
Le supermarché japonais en est aussi un exemple : c’est-à-dire, le service
superfétatoire censé être dans l’intérêt du client a le résultat inverse.
Imaginez : le weekend, vous faites
des courses au supermarché près de chez vous et à la caisse, une vendeuse vous
dira :
« Bienvenue à notre supermarché.
Voudrez-vous un sac plastique ? Des baguettes ? Une cuiller ? Une fourchette ? Une
paille ? Vous achetez une bière, pouvez-vous prouver que vous êtes majeur ?
…Merci, c’est bon. Avez-vous la carte de notre magasin ? C’est gratuit et vous
aurez beaucoup d’avantages. En ce moment, nous faisons telle ou telle promotion,
si vous achetez tel ou tel article, vous aurez tel ou tel avantage. Vous avez
fait un achat de 5,000 yens, vous pouvez tirer au sort. Félicitations ! vous
avez gagné une grande figurine spéciale d’un animé quelconque. Voudrez-vous un
sac plastique ? Une cuiller ? Une fourchette ? Une paille ? Je m’excuse d’avoir
salué deux degrés trop bas. Je recommence. Cette fois, c’est une erreur de
trois degrés. Je recommence jusqu’à ce que je puisse m’incliner à quatre-vingt
dix degrés, sinon c’est impoli pour les clients… ».
Et vous ne sortirez plus
jamais du supermarché.
J’ai fait une digression.
En tous cas, c’est ainsi que mon
coiffeur m’a coupé les cheveux, comme d’habitude.
J’ai pris une douche chez moi pour
faire tomber les cheveux. Ils étaient secs en cinq minutes. Maintenant, je suis
prêt pour l’arrivée de l’été.
Je me suis rendu compte que chaque fois
que j’écris quelque chose sur le Japon, je ne peux m’empêcher de ridiculiser ce
pays. J’écrirais peut-être ‘’Stupeur et tremblement 2’’ si Amélie Nothomb m'y autorise.
Ce sera une histoire dans laquelle Amélie-san aux yeux bleus revient au Japon
pour se venger de ses anciens collègues de la compagnie Yumimoto en les
massacrant un par un. Monsieur Omochi sera étouffé avec douze mochis (gâteaux
de riz), Fubuki (qui veut dire littéralement ‘’tempête de neige’’) périra gelée
au sommet du mont Fuji. Pour le sort de Monsieur Shiranaï (qui veut dire
littéralement ‘’je ne sais pas’’), je ne sais pas.
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