lundi 23 avril 2018

''Une certaine manière de boire un café'' Haruki Murakami

 Cet après-midi, on entendait le piano de Wynton Kelly. Une serveuse a déposé mon café dans ne tasse blanche devant moi. C’était une tasse épaisse et lourde, et elle a fait un bruit sec et agréable. Comme un caillou tombé sur le fond d’une piscine, ce bruit est resté gravé pour toujours dans ma mémoire. J’avais seize ans et il pleuvait dehors.

 C’était une ville maritime et je sentais toujours le parfum de la mer dans le vent du sud. Un bateau de plaisance faisait un tour autour du port quelques fois par jour. Je le prenais souvent et je regardais les paquebots et le paysage autour du dock sans me fatiguer. Même s’il pleuvait, nous restions sur le pont tout mouillés. Près du port, il y avait un petit café où il n’y avait qu’une seule table à part le comptoir et des haut-parleurs installés au plafond diffusaient du jazz. Si je fermais les yeux, je me sentais comme un petit enfant enfermé dans une pièce obscure. J’y retrouvais toujours la chaleur intime d’une tasse de café et le parfum doux des filles.

 Ce que j’appréciais vraiment, c’était peut-être plutôt le paysage autour du café que son goût lui-même. C’est ce que je pense maintenant. Devant moi, il y avait un miroir étincelant et typique des adolescents, reflétant mon image qui buvait un café. Derrière moi s’étendait un petit paysage coupé au carré. Le café était noir comme les ténèbres, chaleureux comme le son du jazz. Lorsque j’ai avalé ce petit monde, ce paysage m’a béni.

 C’était aussi une photo-souvenir d’un garçon qui a grandi dans une petite ville. Tiens, prends un café dans ta main droite ; rentre le menton et souris naturellement…oui, comme ça, clic !

 Parfois, la vie est une question de chaleur qu’apporte une tasse de café, a écrit Richard Brautigan quelque part. Parmi les textes sur le café, c'est mon préféré. 

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