samedi 28 avril 2018

Thermae Romae


 J’ai fait des courses aujourd’hui car il n’y avait rien dans le frigo. Plus exactement, il y avait de la moutarde et un poireau. Mais qui peut se remplir le ventre d’un poireau à la moutarde ?
 J’avais envie de manger quelque chose de rafraichissant. J’ai acheté les ingrédients pour le rouleau de printemps vietnamien. De retour chez moi, j’ai mouillé une galette de riz. Je l’ai mise sur un essuie-tout pour absorber le trop d’eau. Quelques instants plus tard, j’ai essayé de l'en détacher, mais elle était parfaitement collée dessus comme une tumeur maligne qui adhère obstinément à un organe. Mon premier essai de rouleau printemps vietnamien a ainsi échoué. J’ai sorti une autre galette de riz et je l’ai mouillée. Cette fois, je n’ai pas fait la bêtise de l’essuyer. Je l’ai laissée telle quelle sur une planche à découper. Ensuite, j’ai mis de la salade et des crevettes et j’ai roulé la galette. Maintenant ça ressemblait parfaitement à un rouleau de printemps vietnamien. Toutefois je ne savais pas quelle sauce utiliser. J’ai enfin choisi une sauce teriyaki, la première qui soit entrée dans mon champ de vision. Ça avait l’air bon. Je l’ai goûté. Aussitôt j’ai constaté que le goût de la sauce était trop fort et effaçait quasiment celui de la salade et des crevettes. Mais je n’ai eu aucune difficulté à l’avaler. Ce n’était rien par rapport à mes autres essais culinaires. Une fois, j’ai ajouté de la citrouille dans un bœuf bourguignon sans aucune raison. Ça avait le goût de terre. J'ai réalisé que j’avais automatiquement ouvert la bouche, et que je crachais.

 Je pense que je rentrerai au Japon en juillet et y resterais un mois. Quand on est un fan d’animé français, cette idée est séduisante, mais quand on est japonais, rentrer au Japon, ce n’est que déprimant. Parfois il y a des gens qui me demandent si le Japon ne me manque pas. Je réponds : C'est quoi le Japon ? Dans quelle partie d'Uranus se trouve le Japon ? Une fois, on m’a demandé si je ne voulais pas revoir mes amis japonais. J’ai quelques amis français, mais je n’ai aucun ami japonais. Tant mieux pour moi. Comme je ne m’intéresse pas tellement à la gastronomie, la cuisine japonaise ne me rend pas nostalgique. Résultat : j'ai pris plus de dix kilos depuis mon arrivée en France. De surcroît, j’ai toujours l’impression que la société japonaise est comme une armée. De nos jours, cette nation a l’air pacifiste, mais je maintiens qu’il ne faudrait pas longtemps pour qu’elle redevienne militariste. Le peuple japonais se laisse porter à droite ou à gauche, selon l'air du temps. Mais moi, je suis quelqu’un qui tourne à gauche quand on me demande de tourner à droite, et je tourne à droite quand on m’ordonne de tourner à gauche.

 Mais il y a seulement deux choses qui me manquent. D’abord, le Gunpla. Le Gunpla est l’abréviation de ‘’Gundam no plastic model’’, soit ‘’la maquette plastique de Gundam’’. Je suis maniaque des séries Gundam et ma collection de maquettes plastiques de Gundam est au Japon. Mais je n’en parle pas pour l’instant, car je sais que personne ne s’y intéresse en France.

 La deuxième chose, c’est le bain. Je n’ai pris que des douches depuis plus d’un an. En hiver, j’aimerais rester longtemps dans l’eau chaude. En été aussi, j’aimerais rester longtemps dans l’eau chaude. Il semble ce soit une envie que les Français ne comprennent pas, bien que leurs lointains ancêtres, les Romains adoraient les bains publics. Quand je suis arrivé en France, j’ai passé une nuit dans un hôtel à étoiles à Paris, mais il n’y avait qu’une salle de douche. Le lendemain, j’ai pris le TGV pour venir à Strasbourg, en rêvant de prendre un bain chaud. J’ai passé une nuit dans un hôtel, mais là encore, il n'y avait pas de baignoire. Je ne sais pas si c’est vrai, mais j’ai entendu parler que les Français ont honte d’être tout nus devant autrui et c'est pour ça qu’ils n’aiment pas trop le bain public. C’est étrange, parce que j’ai l’impression que les hommes français veulent tout de suite se déshabiller devant les femmes…

 Alors pourquoi rentrer cet été ? Parce que mes parents me le demandent. En effet, il faut discuter avec eux de mon orientation quand j’aurai obtenu mon diplôme. D'ailleurs, la seule chose que je projette de faire cet été, c’est d’écrire une longue histoire en français, et on peut le faire partout dans le monde si on a un ordinateur, ou sinon, un cahier et un stylo. Dernièrement, juste avant de venir en France, mon professeur français m’avait prêté un livre de Michel Houellebecq "La Carte et le territoire" (à cette époque-là, je m’intéressais beaucoup à Michel Houellebecq) pour que je puisse le lire dans l’avion. Il venait d’avoir une fille à ce moment-là. Je sens comme si c’était il y a déjà cinquante ans. J’aimerais lui rendre ce roman, s'il se souvient toujours de moi.

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