mercredi 17 mai 2017

''Sur la libération des oreilles''(''La course au mouton sauvage'') Haruki Murakami

Mais le temps véritablement glorieuse ne lui était pas encore arrivé.
Depuis lors, elle a montré ses oreilles quelques fois pendant deux ou trois jours, puis elle a dissimulé ces sacrés objets miraculeux sous ses cheveux, elle est redevenue la fille ordinaire qu'elle l'avait été.
C'est comme si elle s'était débarrassée de son manteau au début de mars.

''- Peut-être que ce n'était pas encore la bonne période pour montrer mes oreilles, m'a-t-elle dit.
Je n'arrivais pas à contrôler ma force.

- Comme tu veux, ai-je dit. Parce qu'elle était d’une autre beauté lorsqu'elle cachait ses oreilles.''

De temps à autre, elle a montré ses oreilles, notamment lorsque nous faisions l'amour.
Les rapports sexuels avec elle et ses oreilles dévoilées avaient un charme spécifique.
Je pouvais sentir l'odeur de la pluie lorsqu'il pleuvait.
Je pouvais distinguer le chant des oiseaux lorsqu'ils chantaient.
Je n'arrive pas à expliquer mais en bref, c'était comme ça.

''- Ne montres-tu pas tes oreilles lorsque tu couches avec d'autres hommes ? lui ai-je demandé.

- Bien sûr que non, m'a-t-elle dit.
J'imagine même qu'ils ne savent pas que j'ai des oreilles.

- Comment tu te sens quand tu fais l'amour avec les oreilles cachées ?

- C'est comme une sorte d'obligation.
Je ne sens rien comme si je mâchais du journal.
Mais ce n’est pas grave.
Respecter une obligation, ce n'est pas si mal.

- Mais si tu sortais tes oreilles, ce serait extraordinaire, n'est-ce pas ?

- Oui.

- Alors pourquoi pas ? ai-je dit.
Tu n'es pas obligée de t'ennuyer.

Elle a contemplé mon visage puis elle a poussé un soupir.

- Tu ne comprends vraiment rien. ''

Il y avait en effet plein de choses que je ne comprenais pas.
D'abord je ne comprenais pas pourquoi elle me traitait différemment.
Je n'aurais jamais pensé que j'avais quelque chose de supérieur ou de particulier par rapport aux autres.

Elle a ri lorsque je le lui ai dit.

'' - C'est très simple, m'a-t-elle dit.
C'est parce que tu m'as voulue.
C'est la raison la plus importante.

- Si quelqu'un d'autre t'avait voulue ?

- Mais au moins, en ce moment, je te veux aussi.
En plus, tu es beaucoup plus charmant que tu ne le penses.

- Alors pourquoi je ne me considère pas comme tu me le dis ?

- C'est parce que tu ne vis qu’avec une moitié de toi-même, m'a-t-elle dit sèchement.
L'autre moitié est laissée quelque part intacte.

- Uh-huh, fis-je.

- De ce point de vue, nous ne sommes pas si loin.
Moi, je cache mes oreilles et toi, tu ne vis qu’avec une moitié de toi. Tu ne penses pas ?

- Même si ce que tu dis était vrai, ma moitié ne serait pas aussi brillante que tes oreilles.

- Peut-être, a-t-elle souri.
Tu ne comprends vraiment rien. ''

En gardant son sourire, elle a relevé ses cheveux, puis elle s'est mise à enlever les boutons de sa blouse.

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