vendredi 12 mai 2017

''Sur le sifflet d'un train de nuit, ou sur l'efficacité de l'histoire'' Haruki Murakami



Une fille pose une question à un garçon.

''- Combien m'aimes-tu ?

Après avoir réfléchi pendant un certain temps, il répond d'une voix sereine,

- Autant que le sifflet d'un train de nuit.

La fille attend qu'il continue. Il doit y avoir une histoire.

- Je me réveille vers minuit.
je ne connais pas l'heure exacte.
Deux ou trois heures du matin, peut-être.
Mais l'heure n'est pas importante.
En tous cas, c'est au beau milieu de la nuit, je suis complètement isolé et personne n'est autour de moi.
Tu comprends ?
Imagine, il fait totalement obscur, je ne vois rien, je n'entends rien.
Je n'entends même pas le tic-tac de l'horloge.
Peut-être que l'horloge est déjà arrêtée.
Tout à coup, je me sens comme si j'étais incroyablement éloigné et séparé de toutes mes connaissances et de tous les endroits qui m'étaient familiers.
Et je comprends que je suis maintenant un être oublié que personne n'aime, que personne ne fait attention dans ce vaste monde.
Personne ne se rendrait compte même si je disparaissais.
C'est comme si j'étais enfermé dans une épaisse boîte de fer, comme si quelqu'un m’immergeait dans le fond de la mer profonde.
Mon cœur élance, la pression atmosphère est sur le point de le déchirer en deux.
Comprends-tu un tel sentiment ?

La fille hoche la tête.
Je pense que je comprends.
Le garçon continue.

-C'est sans doute l'une des expériences les plus douloureuses que l'homme peut vivre.
Ce sentiment est aussi triste et accablant que je souhaite même mourir dans cet état.
Non, c'est pas ça...
Ce n'est pas pas l'envie de mourir, si on me laissait comme ça, l'air dans cette boîte diminuerait et je serais réellement mort.
C'est ce que cela veut dire quand on se réveille tout seul à minuit, le comprends-tu ?

La fille hoche encore la tête. Le garçon se tait un instant.

-Mais à ce moment-là, j'entends le sifflet d'un train au loin.
Ce sifflet est très éloigné.
Il est aussi loin que je ne sais même pas où se trouve une voie ferrée.
C'est un bruit aussi imperceptible que j'entends à peine.
Mais je comprends qu'il s'agit du sifflet d'un train.
Ça ne fait aucun doute.
Dans l'obscurité, je me concentre sur mes oreilles.
Et j'entends ce sifflet pour la deuxième fois.
Mon cœur n'élance plus.
L'horloge se met à marquer le temps.
La boîte de fer remonte petit à petit vers la surface de la mer.
Tout ça est grâce au sifflet d'un train imperceptible que j'entends à peine.
Et moi, je t'aime autant que ce sifflet.''

Le garçon termine son histoire.
Ensuite, la fille se met à raconter.

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