C’était vendredi. Je suis
allé faire des courses parce que mon réfrigérateur était presque vide. Devant
une boulangerie se tenait un homme maigre à la peau rouge brûlée par le soleil,
habillé comme un randonneur ou un SDF. Je me suis rendu compte qu’il me disait
quelque chose, mais je n’entendais pas car j’avais mis des écouteurs. Je savais
que c’était un SDF et pas un randonneur. Les personnes qui m’adressent la
parole dans la ville ne sont que des mendiants et des fous. D’habitude, quand
on me demande de la monnaie, je leur dis « Je suis désolé » et je les quitte
immédiatement, mais aujourd’hui, je me suis arrêté et j’ai enlevé mes
écouteurs. Comme j’écoutais à ce moment-là la bande sonore de « La La Land »,
j’espérais secrètement qu’il allait se mettre à danser et à chanter, mais mon
attente à été déçue. Le regard mélancolique, il m’a simplement demandé si je
n’avais pas quatre-vingts centimes et m’a dit qu’il voulait acheter du pain en
indiquant du doigt la boulangerie. Sa façon de parler était calme et polie, un
peu comme un professeur d’université. La ville était déserte et silencieuse. Un
tram est passé derrière nous en faisant retentir sa sonnerie. J’ai ouvert mon
portefeuille. Pendant que je cherchais quatre-vingts centimes, il m’a demandé
si j’étais chinois. « Je suis de nationalité japonaise, ai-je dit. – Ah ! Je
connais un peu de mots japonais, ‘’Konnichiwa !’’, ‘’Arigatô’’ ! », m’a-t-il
dit. J’ai mis une pièce de cinquante centimes, de vingt centimes et de dix
centimes dans la paume de sa main. L’air hésitant, il m’a bredouillé : « Euh,
vous n’avez pas de vingt centimes de plus ? Parce que pour acheter une
baguette… ». Sans rien dire, j’ai repris la monnaie et l’ai remise dans mon
portefeuille. Il a pensé que j’étais vexé, et m’a dit : « Ah non ! C’est bon !
C’est bon ! ». « Attendez », ai-je dit doucement. Cette fois, j’ai pris une
pièce d’un euro et l’ai mise dans sa main. Les poissons ont besoin d’eau. La
terre a besoin du soleil. Les créatures vivantes ont besoin d’oxygène et les
Français ont besoin de baguettes. « Merci ! Bonne journée ! », m’a-t-il dit et
il est entré dans la boulangerie.
Au
supermarché, j’ai acheté de la nourriture pour une semaine. Comme ça, même si
les zombies envahissaient soudainement Strasbourg, je survivrais au moins sept
jours.
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