mercredi 29 août 2018

La rentrée


 Bientôt, c’est la rentrée. Je vais terminer mes études de lettres modernes. Pour ceux qui ne le savent pas, j’aimerais expliquer ce que je fais à l’université.
 Tout d’abord, la plupart des cours consistent à supporter de lire des livres ennuyeux. Je ne sais pas pourquoi mais la majorité des livres imposés en cours sont si inintéressants que j’ai l’impression que c’est une torture. De temps en temps, c’est une bonne occasion de découvrir de nouveaux auteurs qui me plaisent, mais une telle chance est plutôt rare. En fin de compte, j’ai compris qu’il s’agit en fait de l’exercice de supporter des livres ennuyeux. Lire un roman qu’on aime est facile, mais le contraire ne l’est pas. Pour les étudiantes en lettres censés être spécialistes de français, savoir résister à l’envie de jeter un livre poussiéreux et moisi contre le mur est important.
 On s’exerce également à paraître intelligent. Je suis de temps en temps obligé de remplier des feuilles de papier en dissertant sur une œuvre. Évidemment, mon esprit est complètement vide, et je n’ai aucune idée. Si j’essaie d’écrire quelque chose, apparaît dans mon esprit un nain qui se moque de moi et qui se met à danser. J’essaie quand même de couvrir du papier tout en sachant que c’est une vaine tentative, sinon j'aurai un zéro. En l’occurrence, j'allonge les phrases en ajoutant des subordonnées à d’autres subordonnées auxquelles j'ajoute encore d'autres subordonnées, et je puise des mots qui paraissent difficiles sur la liste de mon maigre vocabulaire français afin de paraître le plus intelligent possible. Parfois, je ne comprends pas moi-même ce que j’écris, mais les feuilles sont déjà remplies et il n'y a pas de chemin à rebrousser.
 La plupart des auteurs sont timides comme les garçons de quatorze ans en pleine puberté qui n’arrivent pas à déclarer leur amour aux filles dont ils sont amoureux, de sorte qu’on est souvent obligé de deviner leurs sentiments dissimulés dans le texte. Je me demande pourquoi les auteurs n’ont pas écrit directement leurs pensées s’ils avaient le temps de concevoir une énigme qui se prolonge sur plusieurs centaines de pages. C’est comme s’ils nous donnaient exprès une fausse carte.
 La plupart des auteurs qu’on traite en cours sont déjà morts. Nous apprenons aussi le latin et l’ancien français. Parfois, j’ai l’impression de me tenir au beau milieu d’un vaste cimetière et de m’arrêter devant chaque tombeau l’un après l’autre. À vrai dire, je n’aime pas mes études voire je les hais. Cependant, je ne regrette pas mon choix, car simplement, je n’arrive pas à m’imaginer faisant des études d’économie, de droit, de marketing, de médecine, de quelque chose d '‘’utile’’.

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