vendredi 3 août 2018

L'Alliance française


 Je suis allé à l’Alliance française de Sapporo pour rendre un livre à mon ancien professeur. J’ai déjà parlé de cette histoire, mais avant de partir pour la France, il m’a donné « La Carte et le territoire » de Michel Houellebecq. Le livre était déjà usé, un peu jauni, ou il était peut-être de cette couleur depuis le début. Il m’a dit qu’il était usé parce qu’il l’avait lu dans l’avion pour venir au Japon. Cette fois, le livre allait en France avec moi. Mais une question a surgi en moi. Comment pourrais-je le lui rendre ? Je lui ai posé cette question. Il m’a dit qu’il s’en fichait et que je pourrais le rendre quand je voudrais. « Si tu veux vraiment me le rendre, envoie-moi un mail. Je te donne l’adresse de ma famille en France », m’a-t-il dit. C’était il y a deux ans, un jour d’été frais à Sapporo.
 Dès que j’ai eu fini ce long roman, j’ai pensé le rendre à sa famille. Mais je ne lui ai pas envoyé de mail parce que j’avais la flemme. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’arrive pas souvent à écrire ou à répondre à un mail. Je sais que la rédaction d’un mail ne me prendra pas beaucoup de temps. Ça va se terminer en trente minutes au maximum. Mais je trouve mille excuses pour ne pas répondre. « Il n’y a plus de café. Il faut faire des courses », « J’ai un livre à rendre à la bibliothèque », « Je pense que j’ai mal à la tête aujourd’hui », « J’ai sommeil », « Je dois nettoyer ma chambre », « J’ai un devoir à faire » etc. Pendant que je traîne ainsi, le temps passe, et je perds définitivement l’occasion de répondre. C’est pourquoi j’ai gardé ce livre pendant deux ans sur mon étagère.
 L’Alliance française se trouve au premier étage d’un immeuble ordinaire, où il y a les bureaux de plusieurs entreprises. La porte de l’ascenseur s’est ouverte, et dès que j’en suis sorti, la femme de la réception, la même personne qu’il y a deux ans, m’a aussitôt reconnu et m’a dit : « Ah…Êtes-vous rentré pendant les vacances d’été ? ». J’étais étonné car je croyais qu’elle m’avait déjà oublié. Il y a beaucoup d’élèves à cette école. De plus, je suis physiquement banal. Je pense qu’il y a 100 000 000 personnes qui me ressemblent au Japon. En Asie, il y en a 100 000 000 000 000 000 000 000 et on pourrait même créer un village uniquement avec les gens qui me ressemblent. Étonnement, elle se souvenait aussi de mon nom.
« X (mon prof) est là ? lui ai-je demandé.
- Il n’est pas là maintenant, mais je pense qu’il reviendra dans une heure. Si vous le voulez, vous pouvez vous reposer là-bas… », m’a-t-elle dit.
 Je me suis assis sur un fauteuil devant la bibliothèque. La plupart des livres sont en français. Il y a aussi des livres en japonais, mais ce sont des livres traduits du français. En promenant mes yeux sur les rayons, cela m'a rappelé l'époque où je faisais des exercices pour le DALF C1 avec mon prof. C’est aussi là que j’ai découvert Le Clézio et Modiano. Il y avait aussi un livre d’Agota Kristof. À un moment donné, j’ai découvert « La Possibilité d’une île » de Michel Houellebecq, le livre que je lisais chez moi. Je l’ai pris et je me suis mis à lire la suite.
 Mon prof est arrivé au bout d’une heure. Il n’avait ni grossi ni perdu ses cheveux. En un mot, il semblait exactement le même qu’avant.
« Bonjour, ça fait longtemps.... Je suis venu te rendre ton livre », ai-je dit en lui donnant « La Carte et le territoire ». Je croyais qu’il l’avait sans doute oublié, mais il s’en souvenait. Nous avons parlé de notre situation et de nos quelques souvenirs.
« La France te manque ?
- Mes amis et ma famille oui, a-t-il dit.
- Et la nourriture ?
- Non ? Je mange la même chose que tout le monde.
- Des sushis ?
- Les Japonais ne mangent pas de sushis tous les jours. C’est un cliché. », a-t-il dit en riant.
 Les professeurs de l’Alliance française étaient aussi les mêmes qu’avant, sauf une enseignante qui l’avait quittée.
« Je croyais que tu avais oublié le livre, a-t-il dit, au moment de nous dire au revoir.
- Non, mais….
- ‘’J’avais la flemme’’ ?
- Exactement ! Je croyais que tu m’avais oublié car tu dois avoir beaucoup d’élèves.
- Il n’y a pas beaucoup de monde qui passe le C1.
- Je pense passer le C2 cette année ».
 L’heure de son cours approchait. Nous nous sommes souhaité une bonne chance et je suis monté dans l’ascenseur.
 Le soir, j’ai regardé « Mission Impossible : Rogue Nation » à la télé. Comme d’habitude, Tom Cruise a vécu beaucoup de mésaventures. Il s’est fait torturer : il est tombé de sa moto ; il s’est noyé et son cœur s’est arrêté, mais finalement le méchant a été attrapé et tout le monde était heureux.
 Demain, je rentre en France.

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