jeudi 2 août 2018

''Le mot de la fille'' Yoko Ogawa


 En 1972, invité à l’université du Michigan, un jeune mathématicien japonais a traversé la mer pour tenter sa chance aux États-Unis. Il ne le cédait à personne en matière de mathématiques. Sa première conférence a eu beaucoup de succès. Toutefois, avec l’arrivé du rude hiver, il s’est senti seul et a eu le mal du pays. Ses recherches stagnaient. L’impatience devenue sentiment d’échec l’accablait.
 Il est parti en voyage en quête du soleil de Floride pour se changer les idées. Pendant qu’il regardait la mer à West Palm Beach, il a rencontré une fillette d’environ dix ans, Celina, qui jouait toute seule avec du sable.
« Sais-tu ce qu’il y a au-delà de cette mer ? », lui a-t-il demandé.
Celina lui a répondu d’un seul mot : 

« Horizon ».

 Les yeux de la fillette étaient d’un bleu profond, tout comme la mer.
 Tout à coup, ému par les résonances de ce mot, et il a eu envie de pleurer. Le mot de la fillette, comme si elle acceptait le monde tel quel sans être prisonnière des connaissances, était beau.
 En peu de temps, il a repris des forces. Il a poursuivi sa carrière aux États-Unis. Plus tard, ce mathématicien, Masahiko Fujiawara a raconté cet épisode dans son livre : « Les États-Unis d’un jeune mathématicien ».
 Ce qui a sauvé son talent mathématique à ce moment-là, c’était sa vive sensibilité. Le mot d’une petite fille qui l’a ému.

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