jeudi 2 août 2018

Mettons une passoire sur la tête


 Le téléphone fixe de chez mes parents a tout à coup gémi et a craché une feuille de papier. C’était un fax. C’est vrai que lorsque j’étais écolier, des fax de publicités, souvent de produits cosmétiques ou de matériaux pédagogiques suspects arrivaient souvent chez moi. Depuis plusieurs années, on en recevait de moins en moins, et je croyais que ce moyen de communication était défunt.
 Ce fax envoyé semblait indiquer le programme d’une secte religieuse, aussi, ou encore plus louche que les publicités de produits cosmétiques ou de matériaux pédagogiques. Pourquoi ai-je pensé que c’était le programme d’une nouvelle secte ? Parce qu’il annonçait des événements comme « le XX août à XX heures : Réunion de prières pour la paix du monde » dans différents lieux de mon quartier. En haut, on avait griffonné en gros : « Transmettez cela à Madame Ishizuka, s’il vous plaît », bien que nous ne connaissions aucune Ishizuka. Un numéro de téléphone, celui du destinataire était également indiqué au bas de la feuille. C’était presque le même que celui de chez mes parents, à un chiffre près. À cause de l’écriture difficilement lisible, l’expéditeur a confondu ‘’1’’ et ‘’7’’ et a envoyé le fax à mauvais destinataire. Il sera puni par leur dieu.

 La liberté de religion est garantie par la constitution japonaise. On peut être athée, chrétien, bouddhiste, shintoïste, musulman ou pastafariste dans ce pays. Quant à moi, je deviens croyant uniquement quand j’ai mal au ventre dans le train. Cependant, l’idée qu’il y a des adeptes d’une secte suspecte dans ce petit quartier totalement paisible m’effraie un peu. Il y a quelques années, quand j'habitais tout seul à Tokyo pendant une courte période, deux croyantes de la secte Témoins de Jéhovah ont sonné mon appartement. C'étaient deux femmes d'un certain âge ordinaires et ressemblant aux sœurs Asagaya. J'étais déçu car je croyais que c'était le livreur d'Amazon. « Nous sommes des témoins de Jéhovah… », m'ont-elles dit d'un air timide et hésitant. Je me suis vite rappelé que ma famille était traditionnellement bouddhiste comme la plupart des Japonais. Quand je leur ai dit : « Je suis bouddhiste », elles étaient peut-être habituées à être éconduites, elles sont parties sans résister. C'était la première fois que la religion me servait à quelque chose. Une religion en a chassé une autre. J'ai constaté la puissance de Bouddha. .

 Après tout, ce n’est qu’une supposition. Il se peut que je me trompe et que ce ne soit pas une réunion d’une secte religieuse, mais de gens innocents qui souhaitent la paix du monde. Ils sont profondément tourmentés par les actualités de la guerre civile de la Syrie et des Palestiniens persécutés à l’autre côté du mur de Gaza ou des actes atroce des mafias mexicaines. Ils voudraient peut-être se réunir pour prier afin que la paix s’installe immédiatement dans ce monde cruel et inhumain. Mais on a quand même besoin d’un dieu pour prier. Ils ne pourront pas prier Donald Trump pour ce genre de choses.
 Quoi qu’il en soit, le fax ne parviendra pas à Madame Ishizuka, car son numéro, ainsi que le numéro de l'expéditeur, n'est écrit nulle part. 

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