Le temps a été pluvieux toute la journée. Ces quelques jours, j’ai étrangement envie de rester seul alors que je suis déjà solitaire. La solitude m’est confortable comme si je flottais toujours dans une piscine.
La pluie me rappelle un passage de ‘’Pinball, 1973’’ d’Haruki Murakami. Lorsque j’ai acheté un carnet de Gallimard, je l’ai recopié sur la première page. C’est la scène où le héros et les jumelles avec qui il habite font les funérailles d’un tableau électrique devant un réservoir. Il lance le ‘’misérable tableau électrique’’ sur la surface de l’eau comme un disque-volant. Les jumelles lui demandent de faire une quelconque prière. Il cite donc Kant et dit :
« L’obligation de la philosophie, c’est d’éradiquer toutes les illusions issues des malentendus. Ô ! Tableau électrique ! Repose en paix au fond de ce réservoir. »
Je suis allé à mon endroit secret de la bibliothèque U2-U3 pour lire un livre. Quand je suis arrivé au troisième étage, après m'être faufilé entre les étagères et que de gros coussins rouge et orange sont apparus à ma vue, j’ai vu du coin de l’œil deux jambes allongées. À côté du gros coussin orange, j’ai déposé mon sac à dos en poussant un soupir. Une fille aux cheveux châtain bouclés dormait paisiblement sur le coussin rouge. Son visage était serein comme l'enfant dans le tableau de Georges De Latour. Elle se servait de son manteau rose comme une couette. « Pourquoi dort-elle ici ? La bibliothèque est un endroit pour lire ou pour étudier, pas pour dormir. », me suis-je dit. J’ai pensé à la réveiller, pour le lui rappeler et la faire partir, mais j’ai finalement choisi de me taire. Je me suis assis sur mon coussin orange.
Je me suis mis à lire « Le printemps romain de Mrs. Stone » pour un cours. L’écriture fluide de Tennessee Williams et le paysage de Rome évoqué dans ce récit m’endormaient. J’ai enlevé mes lunettes et j’ai posé le livre à côté de moi. Je me suis couvert de mon manteau à l’instar de la fille endormie, et je me suis aussi assoupi.
Lorsque je me suis réveillé, ma voisine était déjà sortie de son rêve. Elle était assise et dévorait un bouquin.
À ma résidence, j’ai vu la petite chatte passer devant le bâtiment où se trouve l’accueil. Ces quelques derniers jours, je suis apathique et fatigué. De plus, le temps est mélancolique. Je ne l’avais pas vue depuis quelque temps. Dès que je m’en suis approché, une Chinoise marchant à côté de moi l’a appelée : « Mimi ! ». Mais le regard de cette créature adorable était fixé sur moi. Elle a miaulé en me reconnaissant. Je l’ai aussi appelée :
« Neko !
- Miaou !
- Neko !
- Miaou ! »
Elle s’appelle donc neko.
Elle s’est frottée contre mes jambes. J’ai aussitôt compris qu’elle voulait se mettre sur mes genoux. La pluie avait cessé. Le sol était mouillé partout, l'air frais me chatouillait les narines. Aussitôt que je me suis assis sur la haie basse sous des arbres, elle est venue sur mes genoux.
Je l’ai laissée me lécher la main. Tandis que je regardais les deux femmes âgées de la résidence bavarder tranquillement, la chatte observait des étudiants qui rentraient.
Je me souvenais que pendant l’été, je restais de temps en temps avec elle jusqu’à vingt heures. La lumière du soleil était d’un or doux, qui s’assombrissait petit à petit. Maintenant la nuit tombe tôt de manière si soudaine. Les lampes du bâtiment et la lumière faible des réverbères étaient les seules choses qui nous éclairaient.
Je lui ai raconté que le cours de linguistique diachronique avait été difficile que je n’avais rien compris. Les yeux entrouverts, l’air indifférent, La chatte respirait tranquillement dans mes bras. La mutation vocalique du latin, le système phonétique du français, la disparition de quelques consonnes, toutes ces choses n’avaient rien à voir avec le monde des chats.
Par la suite, je lui ai lu à haute voix ‘’Je suis un chat’’ de Sôseki en japonais.
« Je suis un chat. Je n’ai pas encore de nom. Je n’ai aucune idée du lieu où je suis né. La seule chose dont je me souvienne est que je miaulais dans un endroit sombre et humide. C’est là que pour la première fois je vis un être humain… »
À la scène où des enfants féroces tiennent le protagoniste, le chat sans nom, par sa patte, couvre sa tête d’un sac et le met dans le four, la chatte sur mes genoux a légèrement gémi. Elle a serré sa tête contre ma poitrine.
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