samedi 18 novembre 2017

Le bus

 Le bus était bondé aujourd’hui. Je me suis demandé pourquoi il y avait tant de gens qui prenaient le bus. Y avait-il quelque chose de spécial que l’on me le cachait ?
 Je me tenais debout à gauche, près de la vitre, mais je ne pouvais pas regarder défiler le paysage, parce qu’un homme de grande taille guettait d’autres passagers à côté de moi. Emmitouflé dans un manteau noir, il s’élevait comme une tour. Il sentait le tabac. Son odeur de cigarette se mêlait au parfum sec de l’hiver. Devant moi, une jeune fille aux cheveux blonds dévorait un livre. Chaque fois que je vois des gens avec un livre, j’ai envie de savoir ce qu’ils lisent. J’ai essayé de regarder le titre de son livre, mais elle le tenait à plat, si bien que je voyais à peine sa couverture et quelques caractères bleus.  C'était peut-être un auteur que je ne connais pas.

 Devant elle était assis un autre homme. Il avait l’air préoccupé d’un Polonais qui vient d’apprendre que sa patrie a été envahie par l'Allemagne. Le siège paraissait trop étroit pour son corps. Il courbait légèrement le dos et pliait les jambes d’un air inconfortable. Il portait un bonnet des New York Yankees. Pourquoi portait-il un tel couvre-chef ? Était-il français ? Personnellement, je n’ai jamais vu un Français fan des New York Yankees. Ses yeux de couleur olive étaient toujours fixés sur l’extérieur. Ils enregistraient tout ce qu’ils apercevaient : les voitures de toutes les marques, l’ambassade de Roumanie, les bistrots etc. Au bout de quelques minutes, le bus a tremblé et ma chaussure a rencontré la sienne. Il a tourné ses grands yeux olive vers moi. J’ai vu des motifs ressemblant à une carpe nager dans ses pupilles. « Pardon », me suis-je excusé.

 En même temps, quelque chose de mou et froid a effleuré ma main qui agrippait une rampe. J’ai regardé. C’était la main d’une autre fille qui bavardait avec ses amies. Jusqu’à ce que je descende à mon arrêt, cet objet mou et froid a fait des allers-retours sur ma main, et m’a chatouillé.

 En cours d’anglais, trois filles qui gazouillent toujours comme des oiseaux ont présenté leur exposé sur le recyclage. Elles ont parlé pendant une heure et comme ce sujet ne m’intéressait guère, je m’ennuyais ferme. J’ai essayé de me concentrer en contemplant la fille qui avait la tête la plus mignonne, mais elle a vite cessé de m’intéresser.

 Dessiner Willy assis à côté de ma voisine était un jeu plus divertissant. En l’épiant du coin de l’œil, j’ai capté petit à petit ses traits. Les yeux toujours entrouverts, il se concentrait sur les trois moineaux, et ne m’a pas aperçu une seule fois.
Ainsi, j’ai croqué son profil sur le revers d’une feuille. Ce dessin m’a rappelé un peu le portrait de Marie-Antoinette dans la voiture qui la conduisait à l’échafaud. Était-ce l'œuvre de Jacque-Louis David ?

 Juste avant quinze heures, ma voisine a rangé ses affaires et a mis son manteau avec de la fourrure. Lorsqu’elle est passée derrière moi, elle a chuchoté à mon oreille que je dessinais bien.

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