« Pendant combien de temps
faudra-t-il s'échiner à ouvrir ses plastiques pour fruits ? Dur, dur ! » - un
client anonyme
Contextualisation : il s’agit de
l’avis d’un client laissé au supermarché Simply de l’Esplanade, si bien que
l’on peut considérer que c'est une oeuvre de non-fiction basée sur une expérience vécue par l’auteur. Je lis régulièrement les avis des clients, peut-être
plus fréquemment que les employés de ce supermarché. Cet avis n’était pas affiché la semaine dernière à moins que je ne me trompe, de telle sorte qu’on peut
supposer qu’il a été écrit il y a moins d'une semaine.
Caractérisation : ce court texte est
composé de deux phrases. La première est écrite à la forme interrogative, ce
qui suscite la réflexion du lecteur. La dernière partie se compose de la
répétition d’un même mot syntaxiquement isolé sans sujet ni verbe ni complément
: « Dur, dur ! ».
Problématique : de quelle manière
l’auteur de cette œuvre vise-t-il à émouvoir les employés de ce supermarché ?
Développement : la première phrase
commence par « Pendant combien temps ». Avant cette phrase, aucune information
n’est donnée au lecteur. Cet incipit permet d’attirer facilement l’attention du
lecteur, puisque l’on ne sait pas de quoi il est question dans ce texte. À ce moment-là, le
lecteur commence inconsciemment à imaginer à quoi sont associé les mots «
Pendant combien de temps ». Quelle phrase suivra-t-elle ? « Pendant combien de temps dois-je attendre
mon amant ? » « Pendant combien de temps dois-je attendre mon colis d'Amazon ?
». Curieux, le lecteur a immédiatement envie de lire la suite, et il découvre :
« (…) faudra-t-il s’échiner à ouvrir ses plastiques pour fruits ? ». Ici
apparaît le verbe que l’on peut considérer comme assez fort et vulgaire ‘’s’échiner’’. Verbe transitif, ‘’échiner’’ signifie « Casser l’échine,
les reins de quelqu’un » ou « Meurtrir, tuer ». Pronominal, ce verbe signifie « Se donner beaucoup de peine, s’éreinter ». Dans le choix de mot, on peut déceler une certaine agressivité et indignation de l’auteur. En même temps, le lecteur doit éprouver de la compassion pour
cette personne qui a été contrainte d’employer un terme si violent pour exprimer sa souffrance. Puis on découvre les mots ‘’à ouvrir ses
plastiques pour fruits ? », c'est alors que se dévoile enfin le véritable sens d'une œuvre si brève.
On comprend que l’auteur souffre de ne pas pouvoir ouvrir facilement les plastiques pour fruits. La
brièveté de la phase permet d'imaginer la longue lutte d'une personne contre les plastiques pour fruits. On ne sait rien sur l'auteur
de ce poème. On ne sait pas si c’est une femme ou un homme, on ignore son âge, s’il a des
enfants, s’il est riche ou pauvre, ce qui permet au lecteur de s’identifier au
protagoniste. Ce manque volontaire d’information conduit à nous demander : « Peut-être que la personne qui pleure de ne pas pouvoir ouvrir un plastique, alors que des fruits sont là, sous cette membrane si fine et si transparente, ce sera nous demain ».
Ce poème sentimental s’achève par la répétition
d’un même mot : « Dur, dur ! ». La répétition de ce mot renforce son sens, en y
ajoutant un effet rythmique comme le refrain d’une chanson. Ce mot dénué de
sujet et de verbe concentre toute l’émotion de l’auteur. Par exemple, dire «
Dur, dur ! » donne une impression plus puissante que de dire « Ouvrir un
plastique pour fruits est dur ». On voit également la stratégie et l’habileté
de l’auteur qui joue sur la polysémie du mot ‘’dur’’. Ce mot ‘’dur’’ renvoie à
la fois à la difficulté d’ouvrir un plastique et à la dureté de cette même
matière.
Conclusion : ainsi, on voit que l'auteur de ce poème a intentionnellement choisi une forme courte afin de mettre en relief son effet émotionnel. En employant diverses rhétoriques,
il tente d’émouvoir les employés du supermarché, en souhaitant que les
plastiques pour fruits soient facilement ouvrables. Toutefois on ignore si
quelqu'un à part moi a lu son SOS.
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