J’ai assisté aujourd’hui à une pièce
de nô à l’Atrium de mon université. Cette représentation de nô fait partie de
la liste des conférences sur Yukio Mishima. Avant-hier, pendant le colloque
j’avais eu l’occasion de discuter un peu avec ce célèbre acteur de nô, détenteur
du titre du patrimoine culturel immatériel du Japon, Monsieur Reijirô Tsumura. C’était
un homme âgé très sympathique et dynamique. Comme d’habitude, j’étais un peu
tendu et je n’ai pas beaucoup parlé.
J’avais regardé une pièce de nô au
collège. Le nô était trop difficile à comprendre pour un garçon de quatorze ans
qui aimait les Beatles et je me rappelle que je me suis vite endormi. Plusieurs
années plus tard, je suis devenu adulte et je me retrouve en France par un
curieux hasard. Honnêtement j’avais un peu peur de m’ennuyer, mais la
représentation de nô était au contraire intéressante. La pièce était une
création originale basée sur ‘’Hôjôki’’ de Kamo no Chômei qui a été écrit en
1212. En changeant plusieurs fois de costume et de masque, l’acteur a
représenté cinq catastrophes (la tornade, la guerre, le tremblement de terre,
la famine) qui avaient lieu à l’époque de Chômei, en faisant référence au
tremblement de terre qui a dévasté Fukushima il y a sept ans.
Comme dit
l'expression, ‘’Le phare n’éclaire pas son pied’’, j’ignorais beaucoup de la
culture japonaise traditionnelle. Curieusement, je n’aurais sans doute jamais
eu l’occasion d’admirer une pièce de nô si je n’étais pas venu en France.
Dans le tram désert, j’ai ouvert au
hasard une page de ‘’1Q84’’ que j'ai finalement oublié de rendre à la
bibliothèque de japonais. Dans le livre, Tengo lisait à haute voix un extrait
de ‘’La ferme africaine’’ à une infirmière. Je ne connaissais ni ce livre ni
l’auteur. Tengo explique ainsi dans le passage : « Karen Bilxen était danoise.
Elle s’est mariée avec un noble suédois, et le couple est parti en Afrique pour
exploiter une ferme, juste avant le début de la Première Guerre mondiale. Après
son divorce, elle a repris seule le domaine agricole. C’est ce qu’elle raconte
dans ce livre ».
Avec
l’infirmière, je me suis aussi plongé dans le paysage africain lu par Tengo. De
temps en temps, l’annonce du tram (‘’Observatoire…’’, ‘’Parc du Contades…’’,
‘’Le droit de l’homme’’…) m’a ramené dans le monde réel.
Sur le quai du tram, j’ai
inconsciemment levé la tête. La lune était belle ce soir et il n’y en avait
qu’une.
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