samedi 24 mars 2018

Le nô et la lune


 J’ai assisté aujourd’hui à une pièce de nô à l’Atrium de mon université. Cette représentation de nô fait partie de la liste des conférences sur Yukio Mishima. Avant-hier, pendant le colloque j’avais eu l’occasion de discuter un peu avec ce célèbre acteur de nô, détenteur du titre du patrimoine culturel immatériel du Japon, Monsieur Reijirô Tsumura. C’était un homme âgé très sympathique et dynamique. Comme d’habitude, j’étais un peu tendu et je n’ai pas beaucoup parlé.

 J’avais regardé une pièce de nô au collège. Le nô était trop difficile à comprendre pour un garçon de quatorze ans qui aimait les Beatles et je me rappelle que je me suis vite endormi. Plusieurs années plus tard, je suis devenu adulte et je me retrouve en France par un curieux hasard. Honnêtement j’avais un peu peur de m’ennuyer, mais la représentation de nô était au contraire intéressante. La pièce était une création originale basée sur ‘’Hôjôki’’ de Kamo no Chômei qui a été écrit en 1212. En changeant plusieurs fois de costume et de masque, l’acteur a représenté cinq catastrophes (la tornade, la guerre, le tremblement de terre, la famine) qui avaient lieu à l’époque de Chômei, en faisant référence au tremblement de terre qui a dévasté Fukushima il y a sept ans.

 Comme dit l'expression, ‘’Le phare n’éclaire pas son pied’’, j’ignorais beaucoup de la culture japonaise traditionnelle. Curieusement, je n’aurais sans doute jamais eu l’occasion d’admirer une pièce de nô si je n’étais pas venu en France.

 Dans le tram désert, j’ai ouvert au hasard une page de ‘’1Q84’’ que j'ai finalement oublié de rendre à la bibliothèque de japonais. Dans le livre, Tengo lisait à haute voix un extrait de ‘’La ferme africaine’’ à une infirmière. Je ne connaissais ni ce livre ni l’auteur. Tengo explique ainsi dans le passage : « Karen Bilxen était danoise. Elle s’est mariée avec un noble suédois, et le couple est parti en Afrique pour exploiter une ferme, juste avant le début de la Première Guerre mondiale. Après son divorce, elle a repris seule le domaine agricole. C’est ce qu’elle raconte dans ce livre ».

 Avec l’infirmière, je me suis aussi plongé dans le paysage africain lu par Tengo. De temps en temps, l’annonce du tram (‘’Observatoire…’’, ‘’Parc du Contades…’’, ‘’Le droit de l’homme’’…) m’a ramené dans le monde réel.

 Sur le quai du tram, j’ai inconsciemment levé la tête. La lune était belle ce soir et il n’y en avait qu’une.

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