lundi 12 mars 2018

''L'Antithèse'' Haruki Murakami


 Une carte postale est enfin arrivée de mon oncle qui avait disparu depuis qu’il était allé à Bornéo pour chercher des antithèses en septembre dernier. Elle représentait une image assez banale, un grenier et des cocotiers, mais c’était quand même quelque chose que mon oncle a envoyé bien que ce soit quelqu'un qui écrit très rarement.

 « Je suis vraiment navré. Même ici, les antithèses qu’on peut qualifier de grandes ont disparu l’an dernier », avait-écrit mon oncle. Son écriture était tremblante car il avait écrit sur un canoë.
« Les indigènes disent qu’ils n’ont pas vu d’antithèse de huit mètres depuis des années. Celle que j’ai capturée il y a un mois est évidemment une antithèse moyenne de cinq mètres vingt-cinq, mais même celle-ci est un ‘’miracle’’ selon eux. C’est vraiment dommage. En ce qui concerne la cause de la disparition des antithèses, certains disent que c’est dû à la diminution des cendres volcaniques, d’autres disent que c’est dû au changement de la géothermie. Mais en réalité, on ne sait pas exactement. Si la situation ne change pas, je devrai rentrer au Japon avant juin. »

 Dans ma chambre est accrochée la vieille photo représentant mon oncle avec des indigènes qui portent une antithèse de douze mètres et demie sur leurs dos. C’était en 1966 qu’il a trouvé cette immense antithèse, et celle-ci est officiellement répertoriée comme la plus grande antithèse capturée dans les années soixante. À cette époque-là, mon oncle était à l’apogée de sa carrière comme chasseur d’antithèses, on peut reconnaître sa vigueur aussi sur cette photo. C’était une période prospère qu’on pourrait appeler ‘’les Grandes découvertes’’ pour les chasseurs d'antithèses.

 Aujourd’hui, l'occasion de trouver une véritable antithèse brillante dans le restaurant français est aussi rare que celle de recevoir une météorite avec une raquette de tennis. Bien entendu, il y en a de temps en temps sur les menus, mais ce sont de petites antithèses d’Inde insipides et sèches, qui arrivent d'ailleurs toujours surgelées. Si mon oncle voyait un tel menu, il le déchirerait en un clin d’œil. « Une grande antithèse, sinon rien. » C’est sa devise.

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