samedi 31 mars 2018

''Le Répondeur téléphonique'' Haruki Murakami


 Il n'y a rien que je déteste plus que les répondeurs téléphoniques. Quand j’ai appris que ma mère avait installé un répondeur téléphonique, je suis allée chez elle pour me plaindre. Ça m’a pris plus d’une heure en changeant plusieurs fois de train. Mais comme je n’en pouvais vraiment plus, j’ai pensé m’y rendre et lui en faire le reproche directement.

 Quand j’ai sonné à la porte de l’appartement de ma mère qui se trouve au deuxième étage de « Hana-koganai Blue Sky », elle n’était pas là. Ayant son apparence, un répondeur téléphonique a ouvert la porte.

 « Bonjour, vous êtes bien chez Toriyama, 66 94 79 84. Je suis absente pour l’instant. Laissez un message après la sonnerie, s’il vous plaît », a dit le répondeur téléphonique. Ensuite j’ai entendu une jolie sonnerie.
« C’est pas vrai, maman ! Je hais les répondeurs téléphoniques ! D’ailleurs, ils sont arrogants et ignorent ce qu’on leur dit, n’est-ce pas ? Je n’ai aucune envie de laisser un message sur une chose pareille ! », ai-je crié en colère.

 Cependant, plus je le regardais, plus je trouvais que ce répondeur téléphonique ressemblait à ma mère. De la manière de prendre de l’âge aux fines rides au coin des yeux, tout lui ressemblait. Et j’ai un peu regretté de lui avoir parlé sur ce ton.
« Hum, je n’ai personnellement pas l’intention de vous critiquer, ai-je dit en baissant le ton. Mais, je n’aime pas trop les répondeurs téléphoniques. Je ne voulais pas vous blesser. J’ai dit tout ça juste pour ma mère. »

 Le répondeur téléphonique en forme de mère a dit en secouant tranquillement la tête.
« Ne vous en faites pas, Kyôko. Vous n’avez pas besoin de vous inquiéter. Nous ne sommes que des répondeurs téléphoniques. Quoi qu’on pense de nous, quoi qu’on nous dise, nous n’y pouvons rien.
- Ça me gêne que vous me parliez comme ça », ai-je dit.
J’ai eu l’impression d'harceler une belle-mère qui s’est remariée.
« À propos, vous êtes venue jusqu’ici. Ça vous dit d'entrer et de prendre le thé ? J’ai aussi des yôkans* de Toraya que l’on m’a offerts. Mangeons-les ensemble, a dit le répondeur téléphonique.
- Bonne idée », ai-je dit. À vrai dire, j’ai un faible pour les yôkan de Toraya.

*Yôkan (une pâtisserie japonaise sucrée faite d'une pâte de haricot rouge)

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