Aujourd’hui, j’ai lu deux livres de
Yoko Ogawa en japonais. Pourquoi les ai-je lus en japonais ? Parce que ces deux
livres « Les souvenirs d’Anne Frank (Anne Frank no kioku) » et « L’enterrement
de Brahman (Brafuman no maisô) » ne sont pas traduits en français.
« Les Souvenirs d’Anne Frank (Anne
Frank no kioku) »
Yoko Ogawa dit que « Le Journal
d’Anne Frank » est un livre important depuis son enfance, et que sans Anne,
elle ne serait sans doute pas devenue écrivain. À l’adolescence, influencée par
cette fille mondialement connue pour son destin tragique, l’écrivaine japonaise
a commencé à imiter et à tenir un journal, puis elle s’est mise à fabriquer
petit à petit quelque chose qui ressemblait à des histoires et, si j’emprunte
son expression elle ‘’s’est rendu compte à vingt-six ans qu’elle était devenue
écrivaine’’.
Avec son éditrice et une interprète
d’allemand, Yoko Ogawa fait le pèlerinage sur la trace de la vie d’Anne Frank. Le
voyage commence à Amsterdam où les Frank et une autre famille juive les Pels
ont mené une vie secrète dans l’Annexe jusqu’au jour fatal. Après avoir
rencontré deux personnes qui connaissaient personnellement Anne Frank,
Jacqueline van Maarsen et Miep Gies, elles vont à Frankfurt pour visiter sa
maison natale qu'habite aujourd'hui une autre famille. Ce voyage se termine par
une visite à Auschwitz et à Birkenau où tous les habitants de l'Annexe ont
succombé les uns après les autres, sauf le père, Otto.
Depuis la
publication du ‘’Journal’’, Anne Frank est devenue le symbole des victimes de
l’Holocauste. D’autre part, elle fait encore l’objet d’attaques antisémites. En
lisant cet essai, on comprend que le regard que Yoko Ogawa porte sur Anne Frank
a quelque chose de plus profond et d’intime. Pour l’écrivaine, Anne est comme
une amie de longue date, et d’une certaine manière, ce n’est pas faux,
puisqu’elle lisait passionnément son journal depuis qu’elle avait le même âge
que son auteur. Il est notoire que le rêve d’Anne était d’être écrivaine, et
elle avait l’intention de publier son journal dès que la guerre serait finie. Je
me demande quelles histoires elle aurait écrit si elle avait survécu à la
guerre. Yoko Ogawa s’est-elle posé la même question dans l’Annexe où vivaient
jadis Anne et sa famille ?
« L’Enterrement de Brahman (Burafuman
no maisô) »
‘’Brahman’’ est un mot étrange. Il
sonne anglais, mais ce pourrait être aussi un mot allemand ou un mot qui vient
d’une langue nordique. En réalité, c’est un mot sanskrit dont le premier sens
est ‘’énigme’’. Dans ce court roman de Yoko Ogawa, Brahman est le nom d’un
animal inconnu que le héros ramasse un jour.
À la lecture des descriptions de
Brahman qui apparaissent de temps en temps, on comprend qu’il a le poil marron,
les prunelles de la même couleur, une queue voyante et des palmures. Les gens
manifestent souvent une réaction de rejet envers lui, ce qui permet de
comprendre que son apparence a sans doute quelque chose de saugrenu. Cependant
on ne sait jamais exactement à quoi il ressemble.
Tout est anonyme dans l’univers de ce
roman. Le jeune homme qui est le narrateur, la fille du marchand de couleurs,
le joueur de cor, le graveur d’épitaphes, aucun des personnages n’a de nom,
sauf Brahman. De la même manière, le nom du village où l’histoire se déroule
n’est jamais mentionné. On sait seulement qu’il y a une gare, un cimetière antique, et un bassin où Brahman aime nager.
Cet univers loin du réel me rappelle
un peu « In Watermelon Sugar » de Richard Brautigan. En lisant cet ouvrage, je
me demandais d’où venait cette atmosphère mystérieuse qu’a créée Yoko Ogawa.
Cette énigme est partiellement résolue dans la postface. Il est écrit que Yoko
Ogawa a été invitée à un festival de littérature japonaise qui a eu lieu dans
une petite ville d’Aix-en-Provence en 2003, et que c’est durant
ce séjour qu’elle a trouvé l’inspiration de « L’Enterrement de Brahman ».
L’auteur a peut-être conçu l’univers de ce mystérieux village à partir de ce
paysage champêtre du sud de la France, mêlé à sa riche imagination.
À propos, je connais une autre
histoire de Yoko Ogawa qui se déroule en France. Dans ce récit, une Japonaise
voyage dans le sud de la France, et voit, assis dans le train, un écrivain très
célèbre. En le regardant manger des cacahuètes, elle essaie de se souvenir de
son nom. Alors qu’elle se rappelle nettement ses ouvrages, son nom ne lui
revient absolument pas à l’esprit. Finalement, cet écrivain célèbre descend du
train. Après être rentrée au Japon, elle cherche ses livres sur l’étagère, mais
il a disparu pour une raison inconnue. Comme j'ai lu cela il y a longtemps, les
détails ne sont sans doute pas exacts, mais c'est un épisode mentionné dans «
Manuscrit Zéro », si je ne me trompe pas.
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