J’aime écrire en français. J’aime
également traduire, mais toujours du japonais en français. J’admets que je fais
toujours beaucoup d’erreurs en français, car j’ai commencé à l’apprendre assez
tardivement, et de plus, la différence du système linguistique de ces deux
langues ne m’a jamais été facile à surmonter.
Quand j’essaie de m’exprimer en
japonais, j’ai l’impression que ma pensée fuit, puis disparaît, tandis qu’en
français, je sens que j’arrive à concrétiser des idées abstraites. On n’en
finirait jamais si on énumérait les différences entre le japonais et le français,
mais ce qui me vient d’abord à l’esprit, c’est que le français est plus logique
et analytique que ma langue maternelle dont l’esthétique repose sur
l’ambiguïté. Cela va peut-être de soi pour les natifs, mais je suis sensible à
l’espace entre les mots en français. En japonais, tous les caractères sont
attachés les uns aux autres, si bien que lorsque je m’exprime dans cette
langue, je sens que j’allonge un seul son en le transformant de diverses
manières. Toutefois, quand j’écris en français, j’ai l’impression de composer
une symphonie. Mon image de la langue française est une tour construite de
multiples éléments, et le japonais est le courant d’un fleuve.
De ce point
de vue, le fait que la France a engendré de nombreux philosophes me semble
logique, car au moins pour moi c’est une langue qui peut donner corps aux concepts
métaphysiques. Parfois je suis étonné qu’un ouvrage philosophique qui est
difficilement compréhensible en japonais soit si clair en français.
En même temps, je dois avouer que je
suis complexé de ne pas maîtriser suffisamment le français. Si je le disais,
mes connaissances françaises qui apprennent le japonais me diraient ce dont je
suis fatigué d’entendre : « Oh, il ne faut pas dire ça. Tu parles super bien
français ». Je ne suis
pas perfectionniste, mais simplement la note de certaines des dissertations que
j’ai faites à l’université prouve que je ne maîtrise pas encore parfaitement
cette langue. Je suis personnellement conscient qu’il y a des limites à ce que
je peux maîtriser en ce qui concerne la syntaxe. Un jour Pauline m’a fait un
compliment en disant : « Tu as un style ». Peut-être, ou pas. Mais ce qui est
clair, c’est que je cherche une harmonie en jouant sur un clavier au nombre de
touches limité.
Comme ma langue maternelle n’est pas
le français, mais que j’ai envie d’écrire en français, je me rends compte que
mon regard est inconsciemment attiré par des écrivains qui se trouvent dans la
même situation, c’est-à-dire, dont la langue maternelle n’est pas le français,
mais qui écrivent dans cette langue.
Le plus célèbre est sans doute Samuel
Beckett. Il est d’origine irlandaise, mais après la deuxième guerre mondiale,
il s’est mis à écrire en français. Il est donc passé de l’anglais au français.
Aki Shimazaki est une écrivaine
d’origine japonaise qui vit à Montréal. Elle a émigré au Canada à l’âge adulte,
puis elle a commencé à écrire des histoires en français.
Ensuite, l’une de mes romancières
préférées et qui m’a beaucoup intéressé, l’écrivaine d’origine hongroise qui a
vécu en Suisse, Agota Kristof. Elle a quitté sa patrie à l’époque de
l’insurrection de Budapest. Il semble qu’elle avait toujours le mal du pays
même après avoir vécu longtemps en Suisse. Elle a également dit qu’elle avait
toujours besoin d'un dictionnaire pour vérifier la conjugaison des verbes.
Cette sorte de ‘’maladresse’’ donne un effet particulier à l’univers de ses
romans. Toutefois, son manque d'aisance en français n’a pas amoindri la valeur
littéraire de son œuvre la plus connue, la trilogie des jumeaux, « Le Grand
Cahier ».
Milan Kundera est un écrivain
d’origine tchèque qui s’est réfugié en France, et qui s’est mis à écrire en
français.
Le philosophe Emil Cioran est
d’origine roumaine. Il qualifie le français de langue « d’une clarté inhumaine
».
Le lauréat du prix Nobel littérature 2008,
Le Clézio est un cas différent, car il est bilingue anglais et français. Mais
lui aussi, il a choisi le français comme sa langue.
Ce sont des auteurs qui écrivent en
français, mais il y a évidemment d’autres écrivains qui ont écrit dans une
langue étrangère tels que Kafka, Nabokov, Conrad etc.
Quand j’étais en première année, il y
avait un cours consacré à la francophonie. J’aurais peut-être dû l’écouter plus
attentivement. Si je poursuivais mes études jusqu’au master, j’aimerais bien
écrire une thèse sur ce sujet.
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