mercredi 21 mars 2018

Le français : la concrétisation de la pensée


 J’aime écrire en français. J’aime également traduire, mais toujours du japonais en français. J’admets que je fais toujours beaucoup d’erreurs en français, car j’ai commencé à l’apprendre assez tardivement, et de plus, la différence du système linguistique de ces deux langues ne m’a jamais été facile à surmonter.

 Quand j’essaie de m’exprimer en japonais, j’ai l’impression que ma pensée fuit, puis disparaît, tandis qu’en français, je sens que j’arrive à concrétiser des idées abstraites. On n’en finirait jamais si on énumérait les différences entre le japonais et le français, mais ce qui me vient d’abord à l’esprit, c’est que le français est plus logique et analytique que ma langue maternelle dont l’esthétique repose sur l’ambiguïté. Cela va peut-être de soi pour les natifs, mais je suis sensible à l’espace entre les mots en français. En japonais, tous les caractères sont attachés les uns aux autres, si bien que lorsque je m’exprime dans cette langue, je sens que j’allonge un seul son en le transformant de diverses manières. Toutefois, quand j’écris en français, j’ai l’impression de composer une symphonie. Mon image de la langue française est une tour construite de multiples éléments, et le japonais est le courant d’un fleuve.

 De ce point de vue, le fait que la France a engendré de nombreux philosophes me semble logique, car au moins pour moi c’est une langue qui peut donner corps aux concepts métaphysiques. Parfois je suis étonné qu’un ouvrage philosophique qui est difficilement compréhensible en japonais soit si clair en français.

 En même temps, je dois avouer que je suis complexé de ne pas maîtriser suffisamment le français. Si je le disais, mes connaissances françaises qui apprennent le japonais me diraient ce dont je suis fatigué d’entendre : « Oh, il ne faut pas dire ça. Tu parles super bien français ». Je ne suis pas perfectionniste, mais simplement la note de certaines des dissertations que j’ai faites à l’université prouve que je ne maîtrise pas encore parfaitement cette langue. Je suis personnellement conscient qu’il y a des limites à ce que je peux maîtriser en ce qui concerne la syntaxe. Un jour Pauline m’a fait un compliment en disant : « Tu as un style ». Peut-être, ou pas. Mais ce qui est clair, c’est que je cherche une harmonie en jouant sur un clavier au nombre de touches limité.

 Comme ma langue maternelle n’est pas le français, mais que j’ai envie d’écrire en français, je me rends compte que mon regard est inconsciemment attiré par des écrivains qui se trouvent dans la même situation, c’est-à-dire, dont la langue maternelle n’est pas le français, mais qui écrivent dans cette langue.

 Le plus célèbre est sans doute Samuel Beckett. Il est d’origine irlandaise, mais après la deuxième guerre mondiale, il s’est mis à écrire en français. Il est donc passé de l’anglais au français.

 Aki Shimazaki est une écrivaine d’origine japonaise qui vit à Montréal. Elle a émigré au Canada à l’âge adulte, puis elle a commencé à écrire des histoires en français.

 Ensuite, l’une de mes romancières préférées et qui m’a beaucoup intéressé, l’écrivaine d’origine hongroise qui a vécu en Suisse, Agota Kristof. Elle a quitté sa patrie à l’époque de l’insurrection de Budapest. Il semble qu’elle avait toujours le mal du pays même après avoir vécu longtemps en Suisse. Elle a également dit qu’elle avait toujours besoin d'un dictionnaire pour vérifier la conjugaison des verbes. Cette sorte de ‘’maladresse’’ donne un effet particulier à l’univers de ses romans. Toutefois, son manque d'aisance en français n’a pas amoindri la valeur littéraire de son œuvre la plus connue, la trilogie des jumeaux, « Le Grand Cahier ».

 Milan Kundera est un écrivain d’origine tchèque qui s’est réfugié en France, et qui s’est mis à écrire en français.

 Le philosophe Emil Cioran est d’origine roumaine. Il qualifie le français de langue « d’une clarté inhumaine ».

 Le lauréat du prix Nobel littérature 2008, Le Clézio est un cas différent, car il est bilingue anglais et français. Mais lui aussi, il a choisi le français comme sa langue.

 Ce sont des auteurs qui écrivent en français, mais il y a évidemment d’autres écrivains qui ont écrit dans une langue étrangère tels que Kafka, Nabokov, Conrad etc.

 Quand j’étais en première année, il y avait un cours consacré à la francophonie. J’aurais peut-être dû l’écouter plus attentivement. Si je poursuivais mes études jusqu’au master, j’aimerais bien écrire une thèse sur ce sujet.

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